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Tydskrif vir Letterkunde

versão On-line ISSN 2309-9070
versão impressa ISSN 0041-476X

Tydskr. letterkd. vol.60 no.2 Pretoria  2023

http://dx.doi.org/10.17159/tl.v60i2.13815 

RESEARCH ARTICLES

 

Un futur qui manque: sur quelques pièces de théâtre togolaises

 

A missing future: about a few Togolese theatre plays

 

 

Witold WotowskiI; Renata JakubczukII

IProfesseur au Département des cultures et littératures romanes, Faculté des Lettres de l'Université Catholique de Lublin Jean-Paul II, Lublin, Pologne. Il s'intéresse à la théorie du texte dramatique et du spectacle théâtral. Email: wwolowski@interia.pl; https://orcid.org/0000-0003-2393-8782
IIProfesseur à la Chaire des études romanes, Faculté de Philologie de l'Université Maria Curie-Sktodowska à Lublin, Pologne. Son intérêt scientifique porte sur la dramaturgie française et francophone. Email: renata.jakubczuk@umcs.pl; https://orcid.org/0000-0003-4692-0729

 

 


ABSTRACT

The observations presented in this article are about six, strictly contemporary, Togolese theatre plays. Four drama miniatures are examined: Sous le grand kapokier ... (Under the big kapok tree...) by Roger Atikpo, Jumelage (Twinning) by Jean Kantchébé, Tobbie, frères et sœurs ont la douleur (Tobbie, brothers and sisters are in pain) by Rodrigue Norman, Tac-tic à la rue des Pinguins (Tac-tic on Penguin street) by Gustave Akakpo, and two texts of regular dimensions: Atterrissage (Landing) by Kangni Alem and Transe-maître(s) (Trans-master(s)) by Elemawusi Agbedjidji. On the aesthetic plan, the analysis aims to describe the attitudes undertaken by characters towards a lack of future perspectives, that characterizes the world in which they grow. These considerations are organized in two sections: in the first one, we focus on the traumatizing events from the past, that make difficult, even impossible, the overcoming of the past/present towards the future. In the second section, we analyse the elements related to the vision of the future (or the lack thereof), that emerges from the texts, as well as the attempts to overcome the apathy and inertia undertaken by characters. From the theoretical standpoint, we support the thesis that the studied plays represent the proof of a certain failure of big, political, and ideological operations (postcolonial system, obsession of development), whose objectives were to improve the situation on the African continent, and which are currently questioned throughout the most recent debates.

Keywords: Togo theatre, future, postcolonial system, trauma, inertia.


 

 

Introduction

En schématisant le vaste panorama du théâtre africain, on peut dire qu'il présente deux faces: optimiste et pessimiste. La première est certainement mieux connue et plus explorée dans la mesure où de nombreux spécialistes y ont consacré un grand nombre de travaux importants. La seconde semble rester un peu dans l'ombre, puisqu'elle regroupe sans doute un nombre de textes sensiblement moindre et que la mauvaise humeur affecte de manière particulière les zones déterminées du continent.

Sylvie Chalaye, dans son Syndrome Frankenstein, relève ainsi avec justesse un certain nombre de caractéristiques des écritures théâtrales africaines contemporaines. Dès l'introduction, on voit défiler des observations à résonnance optimiste et cosmopolite qui mettent une sorte de trait d'union entre les productions artistiques occidentales et celles émanant du continent africain. Chalaye y parle des auteurs "iconoclastes", "effrontés", dont les écritures, "libérées des inhibitions", "se tournent vers le reste du monde", abandonnant "les limites étriquées des nationalismes d'antan" (11-4). Cela est sans doute vrai pour les auteurs abordés dans Le Syndrome... et dans d'autres travaux plus récents (Ngilla; Karim; Tami Yoba; Koulibaly), mais, sans vouloir en aucun cas contester les résultats de toutes ces recherches ou polémiquer avec nos confrères, il est possible d'indiquer quelques exceptions à la règle, c'est-à-dire de repérer également une face (ou seulement une facette) moins claire, moins présentable, moins souriante. En fait, il existe, en parallèle, des textes-provenant d'une même zone précise (Togo)-qui risquent, par leur contenu, de mettre un sérieux bémol à tout discours enthousiaste et intégraliste (bémol non au sens de rectification, mais au sens strictement musical et affectif du terme); des textes qui inquiètent par la mélancolie très prononcée qui s'en dégage et qui, au fond, relèvent d'une vision très pessimiste du monde, considérés aussi bien sur le plan global que local; des textes certes animés par un "brin de rébellion" (Karim 79), parfois très intéressants formellement et stylistiquement, mais assez sombres dans leur tonalité et tout imprégnés de vagues-ou puissants-sentiments de défaite, de déboussolement, de désespoir, de vide, de non-sens, d'absence de perspectives.

De ces textes-situés de façon évidente sur le versant moins ensoleillé de la montagne -nous en évoquerons six, écrits entre 2002 et 2018: quatres miniatures dramatiques (Sous le grand kapokier ... (dorénavant Kapokier) de Roger Atikpo, Jumel'âge de Jean Kantchébé, Tobbie, frères et sœurs ont la douleur (dorénavant Tobbie) de Rodrigue Norman, Tac-tic à la rue des Pinguins (dorénavant Tac-tic) de Gustave Akakpo) et deux textes de dimensions 'normales': Atterrissage de Kangni Alem et Transe-maître(s) d'Elemawusi Agbedjidji.1 Tous ces textes, renouant avec un certain "afro-pessimisme" (Kesteloot 267; Ménendez-Pidal Sandrail 254), seront examinés sous l'angle de leur étrange (ou compréhensible?) refus de voir l'avenir en face et de leur vectorisation paradoxalement-ou hétérodoxalement-centripète.

Étant donné qu'il s'agit ici d'un pays particulier, dont les conditions le différencient sous certains égards des autres pays de la macro-région, nous nous permettrons, dans un premier temps, une incursion économico-politique, pour analyser ensuite les pièces à l'aide des critères analytiques usuels dans le domaine littéraire et théâtral.

 

Contexte économique et politique

Ce qui saute aux yeux, à la lecture des textes ici étudiés, c'est une extrême précarité vécue et ressentie par les personnages et les auteurs en dépit de la 'décolonisation' et du 'développement' qui peuvent sembler des évidences. En effet, à parcourir notre corpus, on ne saurait éviter quelques constats amers: nous voilà dans un univers d'un dénuement désolant auquel correspond une réalité factuelle assez décevante elle aussi; l'état présent de cet univers est, bien entendu, corollaire d'un long processus historique (colonisation, décolonisation, néocolonisation, divisions géopolitiques artificielles, pseudo-démocratisation, conflits militaires ...) entraînant une ribambelle de problèmes psychologiques, sociologiques, politiques, économiques, communicationnels, spirituels-problèmes évoqués la plupart du temps de manière indirecte et implicite; l'univers représenté dans le corpus semble avoir la forme d'un cul-de-sac qui, malgré tous les progrès théoriquement accomplis par l'Afrique à l'échelle continentale et malgré toute 'l'industrie du développement', rend vains bien des espoirs et désamorce de nombreuses tentatives de marche en avant ou vers l'extérieur.2

A cet endroit, il sied de (r)ouvrir, juste pour signaler les processus en cours, deux dossiers qui engendrent aujourd'hui de fiévreux débats sur le plan politique, économique et culturel, notamment celui du postcolonialisme, et celui du développement. Nous y consacrerons ainsi quelques paragraphes pour indiquer un lien entre la réalité reflétée dans les textes de notre corpus et certaines tendances idéologiques strictement actuelles qui non seulement font état d'un grave malaise, mais qui remettent en cause des notions fondamentales.

Quant à la première notion, celle de postcolonialisme, la problématique est extrêmemment vaste dans la mesure où il s'agit là d'un paradigme de recherche, à "décliner au pluriel" (Mégevand 91), et non seulement d'une étiquette désignant une période historique. Quelle que soit l'optique où l'on envisage la question, on perçoit un certain scépticisme, sinon un ressentiment, vis-à-vis du terme et de tout ce qui s'y rattache. Quant à la disscussion sur les faiblesses du préfixe post- dans la notion de postcolonialisme, il est instructif de relire dans un premier temps les observations de Loomba (18-34). Ensuite, pour aller plus en profondeur, on peut parcourir un grand nombre d'autres travaux qui mettent en relief le terme de néo-colonialisme et qui dénoncent des fausses indépendances, une "gestion impérialiste de l'Afrique post-coloniale", l'impuissance de l'OUA et d'autres institutions (Amin 158).3

Le second terme, celui de développement n'est pas plus fortuné. Tout d'abord, on ne renie pas seulement le terme, en lui substituant souvent celui de sous-développement, mais le phénomène même de la croissance. Nubukpo s'exprime explicitement à ce propos : "une chose est sûre : pendant que les Occidentaux discutent de l'émergence de l'Afrique, le sous-continent ouest africain vit depuis plusieurs décennies une crise économique très grave, avec des solutions [...] qui se sont révélé[e]s totalement inadapté[e]s aux réalités locales, et ce dans un silence assourdissant" ("Quel futur pour l'Afrique? Evolution des paradigmes du développement, débats méthodologiques et perspectives" 77). Dans son L'Urgence africaine. Changeons le modèle de croissance! l'économiste va jusqu'à qualifier de "mortifères pour les populations africaines" (13, 20) certaines initiatives internationales (FMI, Banque mondiale, Nations unies) visant, en théorie seulement, à améliorer la situaton sur le continent, et il propose un changement de modèle de croissance. Chose frappante: Nubukpo, qui exerçait une fonction ministérielle au Togo, se montre assez sceptique quant à l'avenir de ce pays : "aujourd'hui, nous en sommes à 167 cibles environ pour les ODD [Objectifs de développement durable], ce qui veut dire qu'on aura du mal à atteindre toutes ces cibles" (Urgence africaine 20).

Avec cette contribution, de caractère essentiellement littéraire, nous n'allons pas nous lancer plus en profondeur dans le tourbillon de cette discussion, toujours en cours et extrêmement importante. Nous signalerons seulement que les textes étudiés ici constituent, au niveau littéraire, un témoignage, une preuve vivante-imprimée et mise en circulation dans le vaste domaine du dialogisme pan-culturel-que les stratégies sociopolitiques et celles du prétendu développement, adoptées en Afrique depuis un demi-siècle, ont eu des résultats assez modestes, au moins dans certaines zones du continent. En 2002, Dongala, dans sa postface à Atterrissage, parlait, et il ne pointait pas uniquement le Togo, d'un "continent meurtri et désespéré", de la jeunesse africaine trahie par la politique, d'un "kaléidoscope de douleurs" (62-3): "On souffre trop en Afrique [...] l'Afrique est le continent qui abrite actuellement le plus grand nombre de conflits armés ainsi que le plus grand nombre de réfugiés au monde, l'Afrique est le continent où se trouvent 95% des orphelins du Sida, l'Afrique est un continent en train de se déscolariser, l'Afrique est le continent qui abrite 18 des 20 pays les plus pauvres au monde. Arrêtons-nous là" (62).

 

Situations

Dans cette section, nous examinerons les pièces évoquées ci-dessus selon un petit nombre de critères simples (depuis la singulière conception des origines du monde jusqu'aux mésaventures migratoires récentes) qui permettront de percevoir à la fois l'impact du passé sur l'avenir et le présent privé d'opportunités et de perspectives.

Une création ratée et un horizon bouché

Est-ce une fatalité qui s'abat sur les protagonistes des pièces ici en cause, ou plutôt une "[r]atatouille d'histoires", selon l'heureuse expression d'Agbedjidji utilisée dans le prologue de Trans-maître(s)?4 Le dramaturge y recourt en effet à une parodie de la création du monde en pastichant des passages bibliques et des extraits du discours de Léopold II de 1883. Les ministres convoqués dans cette introduction burlesque sont ainsi totalement incapables de remplir leurs tâches et ils n'ont que des sujets "sans-histoires" à gouverner. Leur seule mission est de "protéger [leurs] intérêts jusqu'à la fin des temps [...]", et ceci par tous les moyens possibles: "creusez, fouillez, bêchez [...], bastonnez, massacrez, arrachez, inventez des mensonges de toute sorte ..." (16), afin d'introduire "Soumission et Obéissance" (17). Un monde régi de cette façon prédestine ses habitants à être malheureux, anxieux, incompétents, accablés par le poids d'un échec originaire, d'une erreur conceptuelle de base, impossible à corriger. Rappelons d'ailleurs que le procédé de la création ratée est régulièrement exploité par les auteurs africains. Kossi Efoui- figure de proue du théâtre togolais-esquisse une vision sembable de l'origine du monde dans sa nouvelle Volatiles (2006), et on trouve des images analogues dans Un Couple infernal (2010) du camerounais Marcel Zang.

Dès l'origine, tout paraît donc mal parti, et ce mauvais départ projette une ombre malfaisante qui, au fil de l'histoire, finit par se muer en une chape de plomb qui immobilise les protagonistes ou rend vaine toute tentative de mouvement, de changement, de libération.5 Le sujet parlant de Tac-tic s'exprime ainsi dans l'ouverture de son monologue: "Moi, mes vingt balais passés, de l'avenir, je ne vois que poussière. / J'ai bien essayé de me projeter dans le futur. Mais je bute contre un avenir imbécile et têtu comme . comme une statue de dictateur africain ou comme un missile de désastreur américain" (9). Les autres personnages semblent partager la même inquiétude. "Tout est fermé. La guerre a tout fermé (13)", déclare Fodé dans Atterrissage; "Lui", dans Kapokier, formule un doute élémentaire: "Je ne sais pas si demain sera" (13) et il ajoute: "Buvons, demain nous mourrons!" (14). Tobbie, protagoniste de Tobbie soutient à plusieurs reprises avec entêtement: "le futur n'a servi à rien" (54). Même jeu pour la Fille de Jumd'âge qui constate amèrement: "Les gens font la guerre, se battent, se tuent, et nous, rien? Et ma question qui continue d'attendre sa réponse qui ne vient pas" (44). Enfin, un extrait de Trans-maître(s) dont la didascalie liminaire situe l'action dans "un réduit de pays où une idée de liberté s'est brisée et où les habitants en sont encore à en chercher les éclats" (21). L'enfant prénommé Apetit, qui ne veut pas aller à l'école, y fait un raisonnement suivant:

Si je vais à l'école je saurai lire les livres.

Si je sais lire les livres j'aurai un diplôme.

Si j'ai un diplôme j'aurai un travail.

Et si j'ai un travail je gagnerai de l'argent. [...]

Si j'ai beaucoup d'argent je me saperai.

Si je me sape je sortirai.

Si je sors je rencontrerai une femme.

Si je rencontre une femme je tomberai d'amour.

Si je tombe d'amour je ferai la chose.

Si je fais la chose j'aurai un enfant.

Puis deux puis deux puis trois. [...]

Je serai père de la marmaille.

La marmaille qui nie.

La marmaille qui crie à tue-tête.

La morve dégoulinant des narines. [...]

C'est pour cela que je n'irai pas à l'école, maman. (40-1)

Ces paroles suffisent à faire comprendre d'entrée de jeu que ceux qui parlent ne sont point des optimistes confiants en leurs forces, prêts à partir à la conquête du monde. Une fatalité veut qu'ils optent pour la stagnation, pour l'inaction, pour l'enfermement en eux-mêmes. Le monde, proche ou lointain, y apparaît comme n'ayant rien à offrir à ses habitants, ni la liberté, ni le développement, ni un débouché quelconque. Remarquons du reste que le discours d'Apetit, dont nous faisons exprès de citer un long passage, remet en cause non seulement le résultat final du parcours classique de maturation, mais aussi le bien-fondé de toutes les étapes intermédiaires, la maturation elle-même. Il procède par là à un dynamitage complet de la logique du progrès, professant un véritable credo antiprogressiste. L'emploi même du verbe nier dans l'expression "la marmaille qui nie" apporte une négation du futur à la seconde puissance, puisque le premier acte de la progéniture est celui de la négation ... De manière tout à fait analogue, les "gosses" dans Atterrissage d'Alem sont définis comme "mal nés, mal lunés, mal tombés" (36-7), si bien que pour eux, l'unique solution est ainsi celle de partir: "quitter ce pays de merde, où les jeunes n'ont qu'une alternative: prendre les armes ou se prostituer"(11).

Traumatismes inhibiteurs du passé

"Le personnage contemporain est marqué par le présent, il est souvent sans passé et sans projet, sans trajectoire. [...] le passé l'immobilise," constatent Ryngaert et Sermon (24). Dans les textes étudiés ici, ce passé accablant revient par plusieurs biais, dont l'un des plus importants est sans doute le cauchemar du système scolaire colonial et l'imposition du français: "Apprenez-leur à parler notre si belle, notre si grande langue, pas pour discourir ni pour prendre la parole, mais juste pour qu'ils comprennent et transmettent vos ordres!" (17). Cette consigne résume le sujet de Trans-maître(s) où l'on voit l'adolescent Dzitri traverser un trauma vital engendré justement par le milieu scolaire où il a eu un jour le malheur d'employer sa langue natale. En effet, le vernaculaire étant strictement interdit dans les écoles coloniales, chaque infraction à la règle implique une punition sévère. Dans le cas de Trans-maître(s), la peine consiste à devoir porter un collier fait d'objets dégoûtants ("carapace d'escargot, os d'animal, patte de poulet, plume d'oiseau", 11) par l'élève qui n'observe pas la discipline. Le collier doit être porté par l'élève désobéissant jusqu'au moment où il surprend un autre à commettre le même délit. Celui qui détient l'objet à la fin de la pause ou de la journée est sévèrement puni. Les procédés de ce genre, comme on le voit dans la pièce, provoquent des conséquences désastreuses: ils engendrent des troubles psychiques, des mutismes, des bégaiements chez ceux qui, osant ouvrir la bouche, s'en trouvent douloureusement réprimandés et humiliés.

Trans-maître(s) est d'ailleurs construite entièrement autour d'un système de coercition et de formatage. Le directeur de l'école ne le cache pas aux élèves: "Ici, c'est une fabrique de valeurs. Ici nous pétrissons les gens de demain, de Quelqu'un'" (48). "Fabrique" et "pétrir" font inévitablement penser à un procédé industriel d'endoctrinement massive, et non pas à des individus distincts dotés de potentiels particuliers et originaux. Le directeur explique aussi, avec un didactisme condescendant, que: "on a accompli la lourde tâche de décider pour vous quoi apprendre, quoi ne pas apprendre, quoi comprendre, quoi croire, quoi douter, quoi ne pas boire" (50-1). Le recours aux coups de bâton-pratique quotidienne-est considéré comme une bénédiction pour l'avenir du pays (32), mais l'enseignant de Dzitri est plus fin dans ces sanctions: le garçon, ayant jeté son collier dans la rivière, est obligé d'avaler du savon, ce qui le conduit à vomir abondamment, de manière à salir une bonne partie de locaux scolaires .

Les deux garçons d'Atterrissage sont orphelins dont "[l]es sables du souvenir sont trop loin à présent" (37). Leur mère adoptive, Ma Carnélia, s'efforce de leur faire oublier les traumatismes du passé-qui ne sont d'ailleurs pas complètement explicités dans la pièce-et elle fait le maximum pour leur assurer le minimum nécessaire de survivre.

Déficits émotionnels et ruptures intra-familiales

Dans toutes les pièces qui constituent le corpus de cette étude, les protagonistes présentent des déficits émotionnels liés à la perte des proches. Que ce soit la mort du père (Trans-maître(s)), celle de la mère (Tobbie), l'abandon par des parents (Tac-tic,Jumelages) ou le conflit entre la fille et la mère (Kapokier), les personnages éprouvent un grand manque relationnel et/ou sentimental. Ces situations familiales compliquées, dues souvent à des circonstances économiques ou politiques défavorables, déterminent leur vie et brouillent leur vision de l'avenir; elles "infectent les cervelles", selon l'expression de Dina (Kapokier, 15).

Yaguine et Fodé, protagonistes orphelins (Atterrissage), s'efforcent de nouer des relations correctes avec leur mère adoptive, Ma Carnélia. Ses fils lui déclarent leur reconnaissance mais cela ne les empêche pas de lui mentir et de la voler: "tous ces mensonges à la pauvre Ma Carnélia pour lui prendre les derniers souvenirs de son mari. Quelle misère" (31). Ils n'ont même pas le courage de lui avouer leurs projets de départ et attendent la veille du jour de séparation pour lui annoncer leur décision.

Dzitri, le protagoniste de Trans-maître(s), n'a jamais connu son père parti à la guerre avant la naissance du fils. Le garçon, élevé par la mère et la grand-mère maternelle, ressent un grand vide causé par l'absence du père et il se rend compte que personne ne peut le combler. C'est peut-être la raison pour laquelle il refuse de devenir Quelqu'un, suivant la volonté de son géniteur, car "[il] fallait que mon père reste à la maison au lieu d'enfoncer ses pieds dans la neige des Vosges et du Jura pour attendre quoi que ce soit de moi aujourd'hui" (57-8). L'absence du père a ainsi provoqué chez Dzitri un manque de confiance en lui et une incapacité d'affronter les défis quotidiens. Dzitri apparaît ainsi comme un individu doublement immobilisé: par l'absence du père et par l'Histoire qui a contraint ce dernier à quitter le foyer.

Dans Tobbie la protagoniste éponyme, à la mort de sa mère, prend soin de ses petits frères et sœurs pour qu'ils puissent poursuivre leur scolarité et continuer une vie normale. Mais voici qu'un beau jour son frère aîné Juan, émigré il y a longtemps pour faire une carrière de musicien, revient à la maison pour s'occuper de la famille, car il a fini par comprendre son devoir: "Devant moi la route qui mène à l'ESSENTIEL / ce qui reste / mes frères et sœurs" (51). Ici aussi, le père est absent; la mère, passablement froide, évite de manifester ses sentiments, parce qu'on ne lui en a jamais manifesté à elle: dans cette drôle de famille, les tendresses semblent, en effet, exclues: "ils ne s'embrassent pas. Pourtant, l'un aurait voulu embrasser l'autre" (51), signale la didascalie liminaire. Avant son départ précipité, Juan explique à Tobbie: "Je ne t'embrasse pas parce notre mère ne nous a pas embrassés. Ne m'en veux pas, c'est comme ça, notre mère ne nous a pas embrassés parce qu'elle-même n'a pas été embrassée" (59). Plombés par un triste passé, elliptiquement évoqué et de fait impénétrable, le présent et l'avenir de Tobbie et de sa famille, finit ainsi par s'évanouir.

Le texte de Jumelages, tourné lui-aussi en arrière plutôt qu'en avant, semble plus compliqué, car il est difficile là de préciser les liens qui unissent les deux protagonistes présentes en scène: la fille et la servante. Cette dernière, une sorte de double de la première, évoque nostalgiquement ses parents à elle: "Ma mère et mon géniteur, ils sont partis. Pour toujours [. ] J'ai eu de la famille, moi aussi; j'avais une mère. J'avais une sœur. J'avais un père. J'AVAIS UNE FAMILLE!" (44-5). La fille, hirsute, négligée et fixée dans l'immobilité, semble vivre-dans l'actuel-une situation pareille à celle de sa "servante". Qu'il s'agisse là d'un condensé générationnel "mère-fille" ou de sœurs jumelles, ces êtres sont au même point déterminés par leur solitude et leur besoin d'affection qui leur font des croche-pieds à chaque pas et qui agissent à la manière d'une toxine neutralisant toute volonté d'agir.

Rien n'exprime mieux cette torpeur et ce climat irrespirable que les mots de la protagoniste de Tac-tic qui synthétisent les principaux facteurs générateurs de dépression et de statisme: "C'est vrai que je sentais la vie me tenir à la gorge: ma mère abandonnée par mon père, tous mes amis dont les parents ont divorcé, les magouilles des hommes d'Etat qui devraient nous servir d'exemples, les attentas, les guerres, les famines dans le monde ... Tout cela me mettait en rupture de confiance pour l'avenir et me giclait l'envie de quelque chose qui changerait tout" (16). Un crime fondamental transparaît dans ces paroles: l'absence de bon exemple, l'absence d'appui, le délitement familial et social, dont les auteurs n'expliquent pas-malheureusement-les raisons, par peur, par pudeur, par exigences esthétiques.

Problèmes identitaires: un avancement douloureux

Les nouvelles dramaturgies d'Afrique noire francophone se construisent souvent dans "un entre-deux identitaire" (Chalaye 16) qui se présente sous ses deux aspects essentiels: le "chaos" et la "monstruosité" (Ngilla). Mais ces deux phénomènes ne signifient pas toujours hybridité créatrice et voie d'exploration; les troubles identitaires, résultats des oppressions subies dans l'ordre individuel ou collectif, risquent aussi bien d'entraver les mouvements et de stériliser les quêtes.

Rien de plus éloquent, à ce propos, que l'incipit d'Atterrissage où Yaguine se fait nommer Fodé par le Passeur (9-12), procédé qui confond dans la vie les deux migrants qui seront ensuite liés dans et par la mort pour servir d'emblème à un cas de destin particulier qui a fait le tour du monde. En outre, dans le songe prémonitoire de Fodé, Yaguine devient une femme ... Le brouillage, ou la privation identitaire, est là à son comble. Mais il y a d'autres cas aussi significatifs.

Dans Trans-maître(s), mais aussi dans Tobbie, l'un des problèmes qui bloquent l'épanouissement normal des protagonistes est de caractère linguistique. Dzitri, que nous connaissons déjà, forcé à faire ses études en français, refuse en bloc tout ce que cet apprentissage pourrait lui offrir: "je ne veux pas porter sur ma tête le poids de la responsabilité de l'avenir [...] Je ne veux être que moi. Je suis venu sur la terre pour vivre ma vie, pas pour devenir Quelqu'un, voilà" (57-8). Devenir autre que Quelqu'un, devenir soi-même-voilà l'alternative qui manque, et dont l'absence fait dévier, en quelque sorte, la destinée du protagoniste et bien d'autres destinées semblables. Parfois, il suffit d'une petite lettre éliminée ou déformée pour bouleverser l'intimité d'un être, comme on le voit dans le cas d'Ahmed à qui la maîtresse "vole" le "h" de son pronom (57). Cet acte de mutilation, quoique seulement verbal, a tellement perturbé l'enfant qu'il se met à bégayer et à douter de sa propre identité.

Aux violences et privations s'ajoutent des confusions qui naissent dans et par l'écoulement du temps où les mêmes malheurs se réitèrent sans merci. On le perçoit bien dans Jumelages qui opère un étrange brouillage identitaire entre les deux figures féminines en scène:

La servante: [...] Qui je suis? [...]

La fille: Je voulais une domestique.

La servante: Je suis tout.

La fille: On me tutoie.

La servante: Les rôles ont changé?

La fille: Je ne crois pas ... Mais enfin ... Tu n'es pas ma mère par hasard?

La servante: Je suis ta sœur.

La fille: Tu n'es pas ma sœur! Trop vieille pour ça.

La servante: On est peut-être jumelles. (45)

La fille et sa servante-mère-sœur constituent ainsi une sorte de tandem transgénérationnel emprisonné dans un même espace d'infortune où la dépression découle non seulement de la perte des êtres chers, mais aussi, comme en second temps, d'un collapse de l'unité et de la cohésion intérieure de l'individu.

Mésaventures migratoires

Deux textes sont ici à prendre en compte-Atterrissage et Tobbie-qui retracent chacun à sa manière, un voyage échoué, celui de l'aller et celui du retour. La première pièce évoque un échec spectaculaire du départ du fils de Ma Carnélia, parti en Europe chercher un meilleur avenir et "mort d'une bavure" (25), abattu par la police "trois semaines après son arrivée" (26). Le garçon voulait seulement "chercher [s]a vie ailleurs" (25), selon sa mère. Cette mort inattendue en a entraîné une autre, celle du mari de Ma Carnélia car le père a eu "très mal au cœur" (25), en apprenant le décès de son fils. "Deux hommes. Deux cadavres. Le père ici, le fils là-bas ... " (25). La femme n'en a jamais parlé à ses fils adoptifs avant leur départ pour "le paradis" (47) de la terre promise. Une sorte de pressentiment ou d'intuition maternelle l'avertit ici des dangers qu'ils courent, mais il est possible qu'elle caresse certains espoirs personnels elle aussi.

Toute l'intrigue d'Atterrissage est nouée autour des préparatifs pour le voyage d'Yaguine et de Fodé. Le lecteur / spectateur comprend d'emblée que l'entreprise est vouée à l'échec, mais il apprend en même temps les circonstances dans lesquelles sont préparés ces voyages-là. Le trafic est organisé par les compatriotes des migrants qui profitent sans merci de la misère de leur "clients". Dupés et humiliés, presque certains de leur mort, Fodé et Yaguine partent quand même, en ignorant qu'il est impossible d'effectuer un voyage dans le train d'atterrissage d'un avion .

Tobbie de Rodrigue Norman est une histoire dont le début et le développement en font, en apparence, un cas banal: Juan, émigré sept ans auparavant en Occident, revient à son village natal après avoir fait, outre-mer, une carrière de guitariste. Mais tout cela fait partie des antécédents de la scène qui se jouera sous les yeux du lecteur / spectateur et qui lui révèle un drame autrement plus profond et insolite. En fait, Juan, dont l'avion a eu un retard important, arrive 'chez lui' au moment où tout le monde dort, si bien que seule la sœur aînée, Tobbie, attend son retour. Un scénario triste et accablant va alors s'accomplir en trois temps qui correspondent à autant de faits assez surprenants.

Première surprise: le frère et la sœur ne s'embrassent même pas après la longue séparation; deuxième surprise: Tobbie, devenue un substitut de mère et résignée à accomplir ce rôle, ne semble pas vraiment avoir besoin de l'aide ni attendre un miracle libérateur. Dans sa maturation accélérée, elle s'est fait de la vie une idée où aucun espoir ne parvient à faire irruption. L'impossibilité de poursuivre les études, après la mort de la mère, a parachevé la construction de ce cocon blindé où elle semble s'être installée pour toujours. Le français qu'elle parle est élémentaire et malaxé, surtout dans son système des temps verbaux. Lorsque Juan propose à Tobbie de lui apprendre à parler au futur, elle rétorque tout de suite avec fermeté: "Le futur n'a servi à rien" (54). L'avenir étant un concept inexistant pour Tobbie, il lui est parfaitement inutile de connaître le futur proche ou le futur simple. Mais ce n'est pas encore la fin de l'histoire. A partir d'un moment, sans savoir à quel point, Juan est devenu une star pour ses frères et sœurs restés en Afrique: ils écoutaient son disque reproduit au moyen d'un 'appareil' acquis par la mère au prix d'on ne sait quels efforts; ils le vénéraient en tant que symbole de réussite; qui sait, ils avaient peut-être transféré en / vers lui toutes leurs propres aspirations plus ou moins conscientes. Que se passerait-il, alors, si la star revenait tout à coup à l'endroit de départ, au point zéro, à ce village ou cette ville où l'on ne fait qu'un rêve: partir, aller ailleurs, réussir? Ne serait-ce pas la chute de la star, la dissipation du mirage, de toutes les illusions, la fin de tout? Quelle que soit la réponse, Tobbie finit par une troisième surprise, voire un choc: Juan repart sans même attendre le réveil des siens, il disparaît sans être vraiment apparu. En réfléchissant de plus près à cette situation, on voit bien qu'il n'y a aucune logique dans les raisonnements développés à tous les deux pôles de la relation. Aucun des personnages n'est capable de briser les fausses cloisons qui délimitent son champ visuel et qui bloquent l'accès à l'immense univers des émotions et des rêves. La fin de Tobbie rehausse ainsi ce petit drame à la hauteur d'une petite tragédie; tragédie qui tient à une inversion absurde de valeurs par laquelle l'illusion devient plus importante que la vérité, le disque plus important que son auteur, l'image du frère plus importante que le frère lui-même, un modèle relationnel douteux plus tenace que les vrais sentiments humains. L'unique chance est celle qui, à nouveau, se profile dans un ailleurs imaginaire: "Je repars, il ne faut pas qu'ils sachent que je suis revenu ici sans la guitare [...] Je ne t'oublierai pas, Tobbie. Pour toi, j'écrirai les paroles de ma musique au futur, pour que tu puisses un jour parler au futur" (59).

 

Discours

L'absence de perspectives qui caractérise l'univers représenté dans les pièces de notre corpus et l'introversion psycho-sociologique de certains personnages se manifestent aussi sur le plan purement discursif: premièrement par la teneur explicite des répliques et des didascalies; et deuxièmement à travers des structures métaphoriques ou allégoriques qu'il est nécessaire de déchiffrer.

Répliques et didascalies

Les signaux purement linguistiques et discursifs du déficit de confiance en soi et en l'avenir sont assez régulièrement disséminés dans tous les textes du corpus, tantôt prenant la forme de réflexions pleines d'aigreur, tantôt celle de refrains où la dysphorie affleure de manière particulièrement forte, tantôt encore celle des jeux de mots.

Dans Tac-tic, monologue avec de brefs inserts dialogués, "Elle ou Lui" affirme d'entrée de jeu: "Je suis seul, le plus seul au monde. Mais ... / Un changement! Oui, quelque chose qui ... boum, et ma vie ne serait plus ce couloir sans tête ni queue [...] fonçant tête basse comme un âne dans un mur!" (9). Le changement advenu (changement de garçon en fille ou l'inverse), le protagoniste commence à se parler à lui / elle-même, toujours sur le même ton mineur: "Je me suis juste imaginé, pour me foutre l'illusion d'avancer vers une voie de sortie" (14). Couloir obturé, sortie illusoire, changement qui ne mène à rien: c'est à cela que se résume la vie d'Elle ou Lui. On a déjà signalé les incertitudes identitaires des personnages dans le contexte du passé qui se met en travers de l'avenir, mais là, il n'est plus question du passé: le chaos identitaire relève d'un autre type. Cependant, il a les mêmes effets que les autres phénomènes analysés ici: en tenaillant l'individu, il ralentit sa marche en avant.

Dans Kapokier, on décèle la même désorientation dès les premiers mots de Ben qui, on le devine, est en train d'esquisser un texte, le texte du petit drame qu'il va se mettre à jouer un instant plus tard avec Dina: "[il] se demande la route-la demander aux dieux-aux anciens (Supprime des mots) -il demande la route [...] insomnie-il fait chaud-cauchemar-panne sèche-trois points de suspension . " (Atikpo 9). La route, on le voit bien, se dessine sous forme d'un point d'interrogation et le manque de carburant ne présage rien de bon: un arrêt à mi-chemin, probablement. La scène jouée par la suite par Ben et Dina, incarnant Lui et Elle (encore des noms génériques qui désignent tout un chacun), est rythmée par une sorte de refrain-"c'est pas pour durer . "-revenant à plusieurs reprises dans le discours de Lui (un ivrogne). Le sens exact de l'expression n'est peut-être pas tout à fait clair, car on ne sait pas vraiment à quoi pense Lui-l'alcoolique, mais à prendre en compte les composantes lexicales dont on dispose, on perçoit clairement une fin prématurée de quelque chose qui saurait se prolonger.

Trans-maître(s), pièce dont le titre même affiche une propension de l'auteur pour les jeux de mots, fournit une grande quantité d'éléments qui pourraient alimenter notre argumentation, mais nous en citerons seulement quelques-uns relevant de différentes catégories. Nous nous souvenons de la scène, à la fois carnavalesque et jarrique, de la création du monde par laquelle débute Trans-maître(s). C'est là que naît l'absurde sans remède, que tout se gâte pour toujours. Le "premier ministre" y devient le "premier sinistre" (16), les plus grands imbéciles de l'univers, totalement dépourvus de compétences requises, y sont investis des fonctions officielles les plus importantes ... "Je pourra", déclare avec entêtement un certain Semou (17-8) et son "pourra pourra" fait penser davantage à pourrir (verbe qui apparaît dans le contexte, 18) qu'à la faculté de pouvoir faire quoi que ce soit dans l'avenir. Idem pour la déclinaison fantaisiste des adjectifs possessifs ("Mom Tonson / Notre Leurre / Ma Tassa / Votre Leurre / Mes Téssés / Et nos voleurs", 21) où l'on voit transparaître clairement les rasages, les vols, les illusions et les tassements ... Dans d'autres endroits où le texte devient tout à coup étrangement poétique, ce qui arrive paradoxalement dans certaines didascalies, on retrouve d'aussi intéressantes trouvailles rhétoriques "Il y aussi ces oiseaux qui n'ont ni pays ni nation, qui dans leur envol ricochent contre le ventre des nuages allongés" (30), derrière lesquelles se dissimulent les mêmes figures de barrage, d'arrêt, de plafond de verre contre lequel "ricoche" le désir de l'"envol". Des images analogues de l'emprisonnement et de l'immobilisation reviennent avec les "hautes murailles" des écoles coloniales où se trouvent enfermés les élèves des "trans-maître(s)" (54). A la toute fin de la pièce, une pluie torrentielle se déclenche, "pendant que le pays, à la recherche de son idée fondatrice, écarte ses fesses sur les trottoirs du monde en attendant ce jour glorieux dont tout le monde parle tant, ce jour qu'on appelle 'l'avenir'" (59). Quoi de plus éloquent que cette didascalie qui synthétise avec un désenchantement profond la condition actuelle de ce "pays" (la pièce date de 2018, rappelons-le) où l'avenir reste toujours une attente frustrée qu'aggrave, sur le plan international, la permanente exposition aux abus commis par les plus puissants?6

Pour être honnête, il importe encore de consacrer quelques mots à l'Epilogue des Trans-maître(s) qui prend la forme d'un discours officiel prononcé par un dirigeant en 2160, discours futuriste et enthousiaste à l'outrance qui semble à première vue apporter une note optimiste. Or, il n'en est rien, car nous voici devant un amalgame de paroles totalement insignifiantes qui postulent entre autres que "[l]a Chine doit être une terre de francophonie" (60). Aucune ligne, bien entendu, n'est réservée au "pays" dont il est question dans le texte d'Agbedjidji. La logorrhée de Son Excellence Loïc Ditry doit ainsi être interprétée non point comme une lueur d'espoir, mais bien comme un coup de grâce assené avec art et cynisme à tous ceux qui auraient, le temps de quelques secondes, la naïveté de croire et d'espérer. N'oublions pas enfin le titre de l'Epilogue: "Futur composé" ...

Métaphores

Le sens des textes ne se construit pas toujours au même niveau; il y en a qui livrent leur message plus facilement et d'autres qui paraissent moins faciles à décrypter. Pour l'instant, les éléments que nous avons analysés ici, ne posaient pas de grandes difficultés sur le plan herméneutique. Il en est un peu autrement de certaines structures de signification dans Atterrissage de Kangni Alem, Tac-tic de Gustave Akakpo et dans Kapokier de Roger Atikpo.

Chez Alem, toute la partie centrale de la pièce où Fodé, momentanément endormi, contemple le spectacle de sa propre mort (et de celle de son camarade), est en fait une 'métaphore' de l'échec qui s'opère à travers un songe prémonitoire; métaphore au sens propre du terme, car il s'agit là d'un déplacement. De l'ordre réel, on passe à l'ordre onirique. Fodé voit tout avant de partir, mais il part quand-même ce qui confère à son acte une dimension tragique.

Dans Tac-tic, nous l'avons déjà vu, Akakpo met en scène un garçon (ou une fille) à qui il est arrivé un beau (ou mauvais) jour de devenir fille (ou, respectivement, garçon). Fille ou garçon, la / le protagoniste éprouve les mêmes souffrances. L'une d'entre elles est une étrange impossibilité de respirer qui se détecte à plusieurs moments du monologue de Lui-Elle / Elle-Lui: "J'ai parcouru mes affaires, ma chambre; c'était une chambre de garçon! J'ai suffoqué. / Depuis, l'air se dérobe à ma respiration" (11); "De l'air!" (12); "Mais non, je n'ai personne à portée de la main. Que le manque d'air à portée de gorge" (12).

Que signifie ce manque d'air? Est-ce là un simple coup de chaleur qui accompagne un choc, une fâcheuse découverte qui bouleverse soudainement tout? Cela aussi, mais non seulement. Le manque d'air semble également signifier l'absence de vie future, une 'espérance de vie' radicalement raccourcie, réduite à deux ou trois inspirations prochaines, toujours moins profondes et plus douloureuses. Ne pas avoir de quoi respirer veut dire, fatalement, n'en avoir plus pour longtemps, se trouver au pied d'un mur infranchissable, dans un espace sans issu, celui de la mort imminente. Tel est le milieu où évolue Lui-Elle / Elle-Lui, et ce n'est peut-être pas lié seulement à l'identité vacillante du personnage.

A propos de Kapokier, il est inévitable de se poser une question essentielle: quel est le rapport entre le contenu de la pièce et son titre? Pourquoi l'auteur met-il un kapokier en plein centre du décor? Et que vient y faire la triste histoire du buveur sans sous et de la vendeuse de "sodabi"? Le paysage n'a rien d'inhabituel en soi, puisqu'une cabane-épicerie installée à l'ombre d'un grand arbre est une image que l'on peut voir théoriquement dans n'importe quel village de la zone tropicale. Ce qui est moins trivial, c'est la signification même de l'arbre à kapok qui est un objet bien particulier. Géant et majestueux (pouvant atteindre 60 mètres de hauteur!), le kapokier est non seulement fournisseur de nombreuses matières premières (substances nutritionnelles, médicinales, fibreuses, etc.), mais il est en outre doté d'une symbolique à richesse impressionnante. Considéré comme un arbre sacré, habité par des divinités bénéfiques et maléfiques, il constitue, selon les croyances traditionnelles, un axis mundi (axe de l'univers) qui relie, comme une échelle, le monde inférieur (terre, enfer) au monde supérieur (ciel); bref, il s'agit là d'un véritable arbre de vie, un arbre-monde dont la présence modifie sensiblement la signification de tous les objets et tous les êtres qui se trouvent à proximité. Dans ce contexte mythique, le buveur invétéré et la vendeuse-sorcière ne font-ils pas penser à (un) Adam et (une) Eve campés dans une pitoyable parodie du vrai Eden? L'association d'idées est pratiquement inévitable. On aurait ainsi affaire, chez Atikpo, à un anti-Adam et une anti-Eve vivant dans un anti-monde aux horizons bouchés, semblable à celui imaginé par Agbedjidji dans Trans-maître(s) où l'on peut lire la même critique de la Création, la même cosmogonie parodique qui projette en arrière une partie des culpabilités imputables aux contemporains.

 

Conclusion

L'exception confirme la règle, dit-on. Il serait souhaitable que la règle reste celle de l'optimisme, de la bonne passe créatrice et du bon espoir, et que le pessimisme, le manque de perspective et la rumination des échecs soient relégués à la marge des exceptions. Souhaitons-le de tout cœur. Mais ne détournons pas les yeux, pour autant, de ce qui échappe à la bonne conscience, au dictat de l'orthodoxie, aux beaux discours programmatiques, à la propagande du succès. Les six pièces togolaises examinées dans cette étude appartiennent, telle exception à la règle, au domaine de l'insatisfaction, du pessimisme, de l'incertitude identitaire, de la fermeture, du trauma paralysant, du désespoir qui éclipse les perspectives. Ce qui est important et lourdement signifiant, c'est que ces textes sont écrits par de très jeunes auteurs. Si l'on s'obstine à renvoyer dos à dos différentes générations des dramaturges africains, comme le fait Coulibaly, en opposant la première à la deuxième génération, on pourrait dire que notre étude concerne déjà la troisième, sinon la quatrième; en tout cas celle qui débute entre l'an 2000 et aujourd'hui. Elle débute-les textes en témoignent de manière évidente-dans un contexte politico-économique très incertain et en plein milieu de débats civilisationnels remettant en cause la notion de post-colonie et les modèles du développement adoptés jusqu'ici-voilà pourquoi nous avons consacré quelques alinéas aux problèmes d'ordre politique, économique et social. Notons cependant, pour être justes, qu'à l'exception d'Alem, Atikpo, Kantchébé, Norman, Akakpo et Agbedjidji ne font jamais dans leur pièces de références directes à leur pays et ils ne se livrent pas à des réflexions à travers lesquelles on pourrait lire une critique des institutions et des mécanismes politico-économiques, rien de tel; en utilisant des paroles simples et des images parfois un peu plus complexes, ils construisent plutôt des espaces-temps relativement indéterminés, mais qui appellent justement une mise en relation de la provenance des auteurs et des conditions économiques et politiques qui sont les leurs, ou celles de leurs pays.

Les six textes que nous avons parcourus sont sans doute en quelque sorte paradoxaux, puisque-si le monde a vraiment un avenir raisonnable devant lui-cet avenir se jouera en grande partie sur le continent africain (cf. les analyses très optimistes de Cheptitski en ce qui concerne l'Afrique dans son ensemble). Mais il importe là de distinguer le long terme et le court terme; les auteurs que nous avons évoqués voient plutôt à court terme, le long terme n'existant pas vraiment pour eux. Leurs personnages regardent en arrière, se figent dans l'immobilité et dans les traumas du passé colonial, ils manifestent plusieurs types de troubles psychologiques et identitaires qui bloquent le développement individuel et social, et qui sont sans doute à mettre en relation avec l'échec des appareils sociaux, politiques et économiques dans certains pays du continent. Sur le versant du passé, "[c]e monde est figé dans le temps du trauma", pourrait-on dire en reprenant les mots de Mégevand (105) ; sur le versant du futur, l'absence de perspectives pour les jeunes africains reste un "casse-tête" international (Barbière).

Les textes togolais ici analysés fournissent en tout cas un témoignage triste et poignant, contrastant sensiblement avec l'image d'une Afrique conquérante qui se dégage du discours (occidental ou occidentalisé) de certains auteurs de la Diaspora. Ce pessimisme, nous espérons l'avoir démontré, est repérable à tous les niveaux de la structuration des personnages et des textes. Sur le plan humain, les personnages, tout jeunes qu'ils soient, n'arrivent pas à rompre les amarres qui les attachent à un passé douloureux, ils vivent des ruptures déchirantes au sein de leurs familles. Sur le plan discursif, les paroles-littéralement ou métaphoriquement-contribuent elles aussi à peindre un panorama assez maussade et mélancolique.

 

Notes

1 Nous tenons à remarquer que, en dépit d'une production dramatique assez importante au Togo, peu de textes sont publiés et accessibles au grand public. Généralement, la publication suit un succès lié à l'attribution d'un prix littéraire ou théâtral. Inspirée par l'histoire de deux garçons guinéens, partis de Conakry à destination de Bruxelles le 29 juillet 1999 et morts de froid dans le train d'atterrissage de l'avion, Atterrissage remporte un certain succès au niveau international. Un autre auteur africain-le Guinéen Hakim Bah-raconte la même histoire dans sa pièce, À bout de sueurs, publiée en 2015 chez Lansman. Ainsi se réalisent les paroles du Passeur qui s'adresse aux adolescents: "Les amis, vous allez entrer dans l'histoire avec un grand I" (33).
2 Malgré la mise en place d'innombrables plans, malgré la création de multiples organismes coordinateurs du développement panafricains ou nationaux, malgré la rédaction stylistiquement soignée des agendas plus ou moins futuristes (Plan d'ajustement structurel, plans d'émergence, Plan national de développement, Institut des futurs africains, Forum du Tiers Monde, AAfrique 2025, Agenda 2050, Agenda AAfrique 2063 ... ), le Togo figurait encore en 2016 sur la liste Least Developped Countries de l'ONU. Ce fait incite à la réflexion.
3 Dans la vaste gamme de ces matériaux, signalons les contributions ou les interventions de Amin, Bouamama, Boudet, Kwame, Ndoumaï, Tehoua, Forum social du Togo, Comité pour l'abolition des dettes illégitimes.
4 La pièce Trans-maître(s) pourrait être considérée comme une référence intertextuelle aux poèmes de Guy Tirolien "Prière d'un petit enfant nègre" et de Léon G. Damas "Hoquet" qui abordent un sujet analogue (Gonzalez et Mansour).
5 Nous utilisons l'expression "mal parti" de manière tout à fait anodine, sans nous référer à l'essai de René Dumont (que nous n'entendons aucunement remettre ici en discussion); nous pensons plutôt, dans le stricte contexte des pièces analysées, aux situations décrites par les dramaturges qui, comme nous l'avons mentionné, reviennent parfois jusqu'à l'acte de la création du monde qui leur paraît comme manqué. Il n'y a donc aucune allusion intertextuelle ici. Juste une expression qui nous semble refléter l'état des choses défini par les textes étudiés. En parlant de pastiche, il semble que Dumont est bien évoqué ici par l'allusion de son essai "L'Afrique est mal partie" qui fut fustigé à sa publication par beaucoup d'intellectuels africains.
6 En évoquant les grandes opportunités de développement, on cite régulièrement des pays comme la Tanzanie, la Kenya, le Rwanda, l'Ouganda, l'Ethiopie, le Ghana, le Nigéria, le Sénégal, la Côte d'Ivoire ... (Meneghin). Les voisins du Togo sont là, le Togo n'y est pas.

 

Références

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Submitted: 22 April 2022
Accepted: 11 August 2023
Published: 23 November 2023

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