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Koers

On-line version ISSN 2304-8557
Print version ISSN 0023-270X

Koers (Online) vol.82 n.2 Pretoria  2017

http://dx.doi.org/10.19108/koers.82.2.2355 

ORIGINAL RESEARCH

 

De Calvin à Althusius. L'importance du modèle ecclésiologique réformé pour la pensée fédérale1

 

 

Eric Kayayan

Faculty of Theology and Religion, Department of Historical and Constructive Theology, University of the Free State, South Africa

Correspondence

 

 


ABSTRACT

In this article, the relationship between Johannes Althusius' federal views of civil government - as expressed in his Politica methodice digesta - and John Calvin's conception of the role and function of public authorities, is examined in the light of three sermons on Deuteronomy 17 preached by Calvin in 1555. The discussion takes its starting point in the consideration of the kind of politico-theological connection denied or ignored in today's secularized France, with a particular historical reference to the regime of the Terreur in 1793-1794. The question of the influence which Calvin's ecclesiology as well as subsequent Calvinistic ecclesiological developments in the Netherlands may have had on Althusius' theory of government and of political life is raised in the light of the fact that Althusius not only held a degree in civil law, but also in Church law (both obtained in Basel the same year, under strong Luthero-Calvinist influence). If elements of a relation do indeed appear they still remain to be established with more precision. Still, in their views both Calvin and Althusius clearly point towards a unified vision of society under the norm of God's rule. With Althusius, this norm - embodied in the Decalogue - is refracted in the various spheres constitutive of human activity associated with each other in a federative way, each one retaining its own mode of operating.

Keywords: Calvin, Althusius, ecclesiology, federalism, covenant, politics, association, government.


 

 

1. Une pensée politique informée théologiquement

Il peut paraître étrange aux yeux de nombre d'observateurs contemporains de l'histoire politique, voire d'acteurs de la vie politique, qu'on ait pu formuler il y a encore quatre ou cinq siècles des idées ou des théories politiques qui se réclament de notions chrétiennes, d'une vision du monde informée théologiquement, et non calquée sur le type de contrat social entre l'individu et l'État auquel une collectivité d'individus consent à se soumettre, sur le modèle des contrats hérité de Hobbes ou de Rousseau.2 J'entends « étrange » au sens d'étranger, de déconnecté de la vision du monde qui est devenue dominante au sein de nos pays occidentaux largement sécularisés, du moins jusqu'à ce que nous soyons rattrapés par la réalité d'une connexion théologico-politique venant d'ailleurs, et que nous avons bien du mal à comprendre et à gérer alors qu'elle cherche progressivement à affirmer sa marque sur nos pays et nos sociétés.

Il semblera plus étrange encore à ces observateurs que l'on puisse discuter de la pertinence de telles idées ou théories aujourd'hui même, pertinence qui bien entendu n'est telle que dans la mesure où l'on sait retracer et évaluer le contexte qui les a vues naître et se développer. Cette étrangeté est d'autant plus grande que la doxa du jour prétend urbi et orbi que le seul véritable apport de Jésus de Nazareth en matière de politique est d'avoir été l'ancêtre lointain - en tout cas l'inspirateur bien inspiré - de la Loi de 1905... En raison de quoi les héritiers des « Lumières » lui concèderont sans doute d'avoir un peu été la lumière du monde, si ce n'est sur d'autres sujets, du moins sur celui-ci. Rendez à César ce qui appartient à César (Matthieu 22:21) est sans doute la parole du Christ la plus citée pour étayer cette affirmation, car elle semble neutraliser toute mise en relation entre la dimension horizontale de l'existence - sociale et politique en particulier - et sa dimension verticale - celle qui recherche dans la Transcendance d'une Parole révélée, des normes de justice, d'ordre et d'équité ainsi que leur application adaptée aux circonstances dans le droit positif. Or avec cette neutralisation, veut-on volontiers croire, la messe est dite, en tout cas là où la sécularisation l'a emporté.

Cependant, cette parole du Christ n'était pas inconnue des générations passées, en tout cas de celles qui nous occupent ici. Elles n'ont pas été moins confrontées à son exigence de délimitation des sphères temporelle et spirituelle, d'autant qu'elles lui accordaient justement une portée normative. A ceci près qu'elles n'omettaient pas ou n'occultaient pas volontairement la seconde partie de la phrase du Christ : ... et à Dieu ce qui appartient à Dieu, acceptant naturellement que César lui-même n'est nullement exempté de rendre à Dieuce qui appartient à Dieu, sauf à se prendre lui-même pour Dieu (ou pour Jupiter...) Ces générations reconnaissaient le fait que sur la base de cette injonction du Christ, César est bel et bien mis lui aussi dans l'obligation de rendre à Dieu ce qui lui appartient, à savoir l'exercice et le maintien de la justice, de l'ordre et de l'équité en son nom, dans le cadre d'un droit positif qui trouve sa source dans une Parole transcendante. Ce qui en revanche ajoute considérablement à l'étrangeté évoquée, est sans nul doute le fait que pour ces générations une telle obligation ne devait pas être assimilée à une confusion entre l'ordre temporel et l' ordre spirituel, donc à une mainmise des ministres de l'Église sur les affaires de l'État, et vice versa.3

Est-il possible de démêler ce qui semble être un écheveau incompréhensible aux yeux de la majorité de nos contemporains?4

Tâchons de franchir quelques années lumières idéologiques afin de mieux cerner le mouvement d'une pensée informée bibliquement et théologiquement sur ces questions, pensée certes aux antipodes du cadre de réflexion politique dominant aujourd'hui, mais qui a bel et bien existé à un moment de l'histoire de notre civilisation, et dont on peut encore trouver quelques traces ici et là. Si les figures de Calvin et d'Althusius nous intéressent particulièrement, c'est en grande partie en raison du fait qu'ils étaient tous les deux juristes autant que théologiens, s'attachant à distinguer et délimiter les sphères de souveraineté, ainsi que leurs relations et articulations au sein d'un même monde, et que le second (Althusius) se situe décidément dans la lignée du premier (Calvin).

 

2. Calvin sur Deutéronome 17: le triple nœud allianciel

Trois sermons de Calvin sur le chapitre 17 du livre du Deutéronome (v. 14-20), prononcés en l'église saint Pierre de Genève durant la semaine du lundi 18 au vendredi 22 novembre 1555, permettent d'aborder de plein pied le mouvement de cette pensée.5 Nous en citerons, en les commentant, plusieurs extraits, ordonnés selon quelques thèmes qui nous intéressent particulièrement dans le cadre de cet article. Le texte biblique concerne l'établissement futur de la royauté en Israël et des prescriptions en vue de la limitation du pouvoir monarchique. Après la défense faite au futur roi de verser dans des dépenses somptuaires, de multiplier le nombre de ses épouses et d'accroître de manière démesurée sa puissance financière et militaire, ce passage énonce, toujours à propos du roi d'Israël (v.18-20):

Quand il s'assiéra sur son trône royal, il écrira pour lui, dans un livre, un double de cette loi, qu'il prendra auprès des sacrificateurs Lévites. Il devra l'avoir avec lui et y lire tous les jours de sa vie, afin qu'il apprenne à craindre l'Éternel son Dieu, à observer toutes les paroles de cette loi et toutes ces prescriptions pour les mettre en pratique ; afin que son coeur ne s'élève pas au-dessus de ses frères, et qu'il ne s'écarte pas de ces commandements ni à droite ni à gauche ; afin qu'il prolonge ses jours dans son royaume, lui et ses fils, au milieu d'Israël.

Le contraste avec le fonctionnement des royaumes ou empires voisins d'Israël est patent. La nation choisie pour être la lumen gentium ne saurait verser dans l'idolâtrie d'un pouvoir s'attribuant une essence divine, idolâtrie incarnée très spécifiquement par le double rôle de prêtre et de roi dont étaient fréquemment revêtus les souverains des nations voisines païennes. Dans le premier de ces trois sermons (sur les versets 8-13), Calvin insiste sur le fait qu'en Israël, avant l'institution de la monarchie, aussi bien le sacrificateur que le juge, se trouvaient placés devant la norme de la Loi divine, chacun selon son office particulier. Puis il se réfère à la dispensation nouvelle, celle de la nouvelle alliance, dans laquelle Jésus-Christ remplit à la fois l'office de juge suprême et de sacrificateur ultime au sacerdoce non transmissible. Ceci l'amène à distinguer et à délimiter les devoirs et prérogatives de ces deux offices en tant qu'ils sont représentés par des ministres, soit de la justice publique (rois, princes, magistrats), soit du culte. Calvin explique dans ce premier sermon:6

Voilà donc ce que nous avons à noter en ce passage, quand il est dit que les sacrificateurs, et le juge qui sera pour lors, iugeront selon la Loy de Dieu. Et de faict nous avons desia touché qu'il faut que nous recevions Iesus Christ tant pour iuge, que pour sacrificateur. Car lesus Christ a double office: outre ce qu'il est Prophète et souverain, et que c'est de luy que nous devons tenir toute doctrine, et toute verité: il est aussi nostre souverain Roy, et nostre sacrificateur. Or d'autant qu'ils ont représenté sa personne, estans comme ses ombrages, et figures: il a fallu qu'ils ayent suivi ceste Loy. Maintenant il n'y a plus de tels ombrages et figures (comme nous avons dit) d'autant que le Fils de Dieu est apparu: la sacrificature ancienne a passé, le royaume a esté aboly. Contentons-nous donc d'avoir un ordre inferieur c'est assavoir que la police soit gardée tellement, que tousiours la Loy de Dieu domine par-dessus: et cependant qu'un chacun regarde ce qui luy est licite: que les Rois, et Princes, et Magistrats cognoissent quand ils doyvent faire des loix, que s'ils les font de leur teste, c'est pour tout mesler, et pour mettre tout en confusion. Car Dieu dit: C'est par moy que les magistrats discernent ce qui est bon et expedient. Qu'ils invoquent donc l'Esprit de Dieu, afin qu'il leur donne sagesse, et discretion de faire des lois qui soyent bonnes et propres. Et que ceux qui sont au siege de justice, se remettent à Dieu, et qu'ils demandent d'estre gouvernez par son S. Esprit: que ceux qui ont le régime spirituel sachent qu'il ne leur est licite sinon d'annoncer la parolle de Dieu, et de parler comme de sa bouche, et d'exposer fidellement la doctrine qui est en la Loy, et en l'Evangile, et qu'ils se tiennent en ces bornes-là, et qu'ils n'attentent rien plus. Voila en somme comme nous avons à prattiquer ce passage.

Par rapport à cette distinction des offices de législateur, de juge et de ministre de la Parole, tous placés devant l'autorité de cette Parole, chacun selon sa vocation et son office respectifs, une digression historique s'impose : le 8 juin 1794, lors de la fête de l'Être Suprême qui faisait partie du culte institué par Maximilien de Robespierre par le décret du 18 Floréal de l'an II, ce fut Robespierre lui-même, l'homme à la tête du Comité du Salut public et président de la Convention, qui mena la procession et accomplit les rites de la nouvelle religion officielle, vêtu d'un habit bleu céleste et ceint d'une écharpe tricolore, les signes donc de ce double office de prêtre et de souverain qu'il s'était attribué, renouant ainsi avec les pratiques des nations antiques païennes.7 Il tenait à la main un bouquet de fleurs et d'épis, symboles d'une religion naturelle ressuscitée, du moins l'espace d'un mois et demi. Si tout rappel d'une expiation par le sang innocent versé pour les péchés du peuple était naturellement exclu de cette Fête de l'Être Suprême, purement déiste, il n'est pas inutile de rappeler que la loi du 10 juin 1794, votée deux jours plus tard, inaugurait l'ère de la Grande Terreur, l'étape ultime de la purification de la nation par le sang, versé non pas sur la Croix mais sous la guillotine. Un sang impur, celui des ennemis de la République -ennemis non plus extérieurs, mais intérieurs cette fois - viendrait abondamment abreuver les sillons de la France.8 Cette phase d'expiation aboutirait en apothéose finale à ce que le sang du grand-prêtre Robespierre lui-même, ainsi que de ses acolytes, soit versé lors des journées de Thermidor.

Mais, pour revenir aux sermons de Calvin, voici l'explication qu'il fournit de l'ordre donné au roi d'écrire une copie du livre de la Loi et de la lire tous les jours:

Ainsi notons qu'il a fallu qu'il y eust un livre specialement dedié au Roy, et que ce livre ici fust escrit d'une manière solennelle, et que les sacrificateurs et Lévites en fussent tesmoins, et qu'il fust baillé là comme par la main de Dieu. Car c'estoit autant comme si Dieu eust déclairé: Or ça, i'ay baillé ma Loy à tout mon peuple, et ie veux que tous les ans la mémoire en soit refreschie. Car le livre estoit là apporté: et on faisoit aspersion du sang du sacrifice sur le livre, et puis sur tout le peuple, afin qu'il cogneust: nous sommes conioints d'un lien inseparable avec la Loy de Dieu. Mais cela estoit-il fait? Il y avait un livre second qui estoit apporté, et le bailloit-on entre les mains du Roy, comme si on luy eust dit: Dieu t'oblige beaucoup plus que les personnes privees, afin que tu cognoisses quel est ton devoir: c'est que tu sois mieux enseigné que tous les autres, et que tu leur dois monstrer exemple, et que tu te maintiennes en telle sorte que le peuple te tienne pour sa guide. Voila donc ce que nostre Seigneur a voulu en ce passage. Et de faict, regardons un peu combien la charge des Princes est difficile: quand il n'y aura qu'une ville ou un village à gouverner, encore le luge s'y trouvera-il bien empesché: que sera-ce donc d'un royaume? Mais il faut que tous Magistrats, et gens de iustice appliquent ceci à eux, qu'ils sachent que leur charge surmonte toute leur faculté et que iamais ils n'en pourront venir à bout, sinon que Dieu leur donne son S. Esprit.9

Ce seul passage contient à lui seul toute la théologie alliancielle, ou fédérale, si l'on veut, de Calvin, celle sur laquelle bâtira notamment Althusius.10 Il y a d'abord une alliance entre Dieu et son peuple par le biais de la Loi qu'il lui donne et qui fait reconnaître au peuple un lien, un nœud ou foedus (d'où nous vient le mot fédéral): nous sommes conioints d'un lien inseparable avec la Loy de Dieu. De plus, cette alliance est scellée par l'aspersion du sang sur le Livre de la Loy, ce qui signifie que l'obéissance à cette Loi est vitale et ne saurait être rompue sans entraîner la mort. Vient ensuite un second nœud, cette fois-ci entre Dieu et le roi, qui ne repose pas sur un autre fondement que la Loi, mais le confirme spécialement afin qu'un troisième nœud, une troisième phase de l'alliance, puisse être réalisé: celle du peuple avec son roi. Ce dernier n'est jamais que le guide éclairé du peuple, éclairé par la Loi du souverain Législateur: c'est que tu sois mieux enseigné que tous les autres, et que tu leur dois monstrer exemple, et que tu te maintiennes en telle sorte que le peuple te tienne pour sa guide. La qualité de guide du peuple est donc proportionnelle à la capacité du roi d'obéir aux préceptes divins de la Loi, et le succès de ses entreprises en dépend tout autant.

Ce que dit Calvin ici n'est au fond rien d'autre que ce qu'il écrivait avec une très grande audace au roi François premier vingt ans plus tôt, en août 1535, dans la lettre qu'il lui adressait et qui servait de préface à son Institution de la Religion Chrestienne (cette lettre figurera d'ailleurs dans toutes les éditions latines ou françaises ultérieures, jusqu'à celle, finale de 1560):

Or c'est vostre office, Sire, de ne destourner ne voz aureilles ne vostre courage d'une si iuste defense, principalement quand il est question de si grande chose: c'est à savoir, comment la gloire de Dieu sera maintenue sur terre: comment sa verité retiendra son honneur & dignité: commet le regne de Christ demeurera en son entier. O matiere digne de vos aureilles, digne de vostre iurisdiction, digne de vostre Trosne royal! Car ceste pensee fait un vray Roy, s'il se reconnoit estre vray ministre de Dieu au gouvernement de son royaume: & au contraire, celuy qui ne regne point à ceste fin de servir à la gloire de Dieu, n'exerce pas regne, mais brigandage. Or on s'abuse si on attend longue prospérité en un règne qui n'est point gouverné du sceptre de Dieu, c'est-à-dire sa saincte parolle. Car l'édit céleste ne peut mentir, par lequel il est dénoncé, que le peuple sera dissipé quand la Prophétie defaudra.11

Certes il s'agissait davantage, dans cette lettre, d'un appel lancé au roi afin qu'il défende la pure doctrine de l'Évangile contre ses ennemis ou ses détracteurs. Le jeune Calvin se faisait le défenseur d'un parti qui était déjà persécuté, surtout après l'Affaire des Placards. Plus encore, il entendait exposer la doctrine évangélique de manière suivie, avec moderation et gratvité iudiciaire, et non tel qu'il jugeait que cette cause avait été démenée avant lui, confusément et sans nul ordre de droit.12 Cela dit, au fil des années, Calvin en est venu à être très critique vis-à-vis du système monarchique, en raison des abus qu'il y voyait partout, même s'il ne saurait lui-même être qualifié de monarchomaque.13 De fait, le régime d'Israël sous les Juges lui semble le moins mauvais de tous. Au cours du second des trois sermons sur le passage du Deutéronome que nous considérons, il s'exprime comme suit à ce propos:

Ainsi donc il nous faut conclure, que Dieu, quand il a ordonné des luges, du commencement a monstré que c'est une chose desirable, qu'un peuple soit gouverné en public, et que les loix dominent, et qu'il n' y ait point heritage,14 et que ceux qui sont esleus mesmes soyent tenus à rendre conte, et qu'ils n'ayent point une licence infinie pour dire: Ie veux cela, il me plaist ainsi. Donc il a declaré cela, quand il a gouverné son peuple par la main des luges. Et voila pourquoy aussi il reproche aux Juifs ce qu'ils ont demandé un roy pour leur chef, et qui regnast sur eux.15

Un peu plus loin, Calvin précise bien de nouveau que l'établissement de la monarchie en Israël n'a été que pour servir d'ombre, ou de figure à l'établissement de la monarchie du Christ, sous le régime duquel le monde entier est appelé à vivre, le roi David étant le type même du Messie à venir. Mais ce rôle en quelque sorte prophétique de la lignée monarchique en Israël, dont le Messie attendu sera lui-même issu par la lignée de David, ne fait pas de la monarchie un régime idéal, puisqu'il est nécessaire de mettre nommément le peuple en garde contre les abus auxquels il peut s'attendre de la part des rois qu'il cherche à se donner:

Maintenant donc nous avons une déclaration sommaire, comme Dieu a voulu establir un royaume en son peuple: mais cela est au regard de nostre Seigneur lesus Christ. Mais quant à la police, que l'estat meilleur, et le plus désirable c'estoit d'avoir des luges : c>est-à-dire, d'estre en liberté, et que les loix cependant dominassent. Or de là nous sommes admonnestez, combien que toute police terrienne merite d'estre prisee comme chose saincte et utile pour maintenir l'estat humain : si est-ce que quand il plaist à Dieu de nous donner un gouvernement ainsi moyen, et qu'il n'y ait point de tyrannie, et qu'il y ait des Magistrats qui gouvernent en telle sorte que les loix ont leur cours : que c'est un privilege special : et qu'alors nous devons sentir que Dieu nous est prochain, et qu'il a pitié de nous comme de ses domestiques, et de son troupeau ou heritage.16

Maintenir le peuple en liberté par des lois qui le régissent tout en étant inspirées de la Loi divine, voilà pour Calvin la meilleure des polices terriennes. Pour lui, la pluralité des magistrats, ou Juges, est un gage d'équilibre, pour peu qu'ils soient tous gouvernés par la même Loi, dont doivent s'inspirer les lois positives.

 

3. Le fondement christologique du principe fédératif dans l'ecclésiologie calvinienne

Or chez lui cette pluralité de services se retrouve dans le gouvernement spirituel, celui de l'Église, dans la mesure où la royauté et la sacrificature perpétuelles du Christ élevé en gloire au moment de son Ascension, annulent toute prétention d'un gouvernement ecclésiastique centralisé ici bas, qui prétendrait tout régenter, se substituant d'une manière ou d'une autre au gouvernement céleste du Christ. Pour Calvin, il n'est pas davantage possible d'avoir un siège ecclésiastique centralisé qu'une monarchie ou une gouvernance mondiale centralisée, alors que c'est le Christ auquel la royauté universelle été remise, et que son office de sacrificateur, quant à lui, n'est pas transmissible.17 D'où, l'on s'en doute, le rejet de l'institution papale:

Or, maintenant, si on veut conclurre qu'en tout le monde il y faille un souverain sacrificateur, il faudra qu'il y ait un souverain Roy, et toutes polices seront abattues, et l'ordre qui est à présent distingué entre les royaumes, principautez, et villes franches, tout cela soit une confusion maudite de Dieu.18 Et où en serions-nous ? Mais il nous en faut venir au principal : c'est que nostre Seigneur lesus seroit despouillé de son droict. Car puis que il est apparu, voila le royaume perpetuel qui est establi en sa personne, il est constitué par-dessus tous les empires et royaumes de ce monde: il a prins aussi la sacrificature eternelle par-dessus tout l'ordre, et tout le regime de l'Eglise; non pas qu'auiourd'huy il n'y ait des evesques, et des pasteurs, comme l'Escriture en parle: mais il faut que lesus Christ soir le chef unique, et que les autres ne soyent sinon membres inferieurs, et que le corps se gouverne en telle sorte, que le tout se rapporte à celuy duquel il est prononcé: Voici mon Fils bien aimé, escoutez-le. Et ainsi, nous voyons que le Pape est un sacrilege, qui despouille lesus Christ de sa dignité souveraine, quand il se constitue souverain sacrificateur en l'Eglise de Dieu. Or cependant qu'il allègue, qu'il faut néantmoins qu'il y ait quelque fin aux querelles, et controversies qui pourroyent advenir de la religion : la reponse est à cela: Moyennant qu'il y ait ordre dressé, que il ne faudra point qu'un seul homme domine: mais on s'assemblera d'un commun accord: comme nous voyons que le temps passé il en est advenu. (...) Ainsi donc, notons, que comme il est dit qu'il faut quelque arrest pour accorder les querelles civiles, et pour definir les causes criminelles: c'est bien raison, quand il y aura quelque debat et contention pour la doctrine, qu'il y ait quelque arrest souverain. Mais ce n'est pas à dire qu'un seul homme doive présider sur tout le monde: cela (comme nous l'avons monstré) est du tout contraire à nature. Que reste-il donc ? Qu'on s'assemble, et que lesus Christ préside au milieu.19

On peut donc dire que la préséance, la présidence et le gouvernement directs de Jésus-Christ, manifestés par sa Parole et son Esprit, sur toutes les réunions ou conciles ecclésiastiques, constituent la pierre de touche de l'ecclésiologie calvinienne, se fondant sur cette parole de l'Évangile (Matthieu 18:20): Là ou deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux. Ce n'est qu'à partir de ce fondement-là que l'on peut saisir l'importance du modèle ecclésiologique réformé pour la pensée fédérale, que Johannes Althusius développera deux générations plus tard pour l'appliquer à la société humaine dans son ensemble. Car, dans cette ecclésiologie, toute assemblée réunie autour de l'enseignement du Christ, sa parole et les sacrements qu'il a institués, est pleinement et entièrement église. Si une telle assemblée porte en elle et vit les marques de sa fidélité à l'enseignement de son Maître, il ne lui manque rien pour être église de plein droit et de plein pied. Elle ne dépend nullement pour l'être, d'une hiérarchie ecclésiastique supérieure située à Antioche, Rome ou Constantinople. Elle n'est même pas une branche locale parmi d'autres d'un quelconque organisme institutionnel à la structure pyramidale. Mais ce qui est vrai pour l'une est dans le même temps entièrement vrai pour l'autre, ou les autres, en quelque lieu qu'elles se trouvent.

Il y a donc bien une Église universelle, constituée d'églises locales qui se reconnaissent comme églises à part entière au vu des marques de fidélité qu'elles manifestent. Et sur le fondement de cette reconnaissance mutuelle, elles ne peuvent qu'entrer en contact les unes avec les autres et vivre en communion de foi, de pensée et d'action, puisqu'elles sont toutes organiquement liées à leur Sauveur, comme des sarments greffés sur le même cep. Encore une fois, lorsqu'elles se placent sous la même houlette, vivent sous la même Loi, qu'elles professent la même confession de foi, toutes les églises locales se reconnaissent comme véritables églises et - davantage encore qu'une association ou une fédération d'églises -elles forment ensemble une communion d'églises. Elles ne sont donc ni indépendantes, ni mêmes autonomes (ce qui signifierait que chacune est une loi à elle-même), mais bien auto-suffisantes (selbständig en allemand, selfstandig en néerlandais). Leurs relations mutuelles se déroulent non pas au sein d'une structure institutionnelle pyramidale, chapeautée par un homme ou un collège réduit, mais au sein de sphères concentriques dont l'étendue et les limites sont déterminées par les intérêts communs qu'elles développent, par exemple dans l'action diaconale, l'évangélisation ou le partage des ressources théologiques.20 Les facteurs linguistiques ou nationaux joueront un rôle certain dans la détermination des sphères concentriques où s'initient et se déroulent les actions communes, dans la mesure de la proximité géographique qui permet à ces actions communes d'être entreprises. En même temps la souveraineté universelle du Christ confessée par toutes ces églises, leur impose de rechercher l'extension des sphères concentriques partout où elles sont en mesure de reconnaître les mêmes signes de fidélité à l'Évangile qui les caractérisent, jusqu'à l'autre bout du monde. Ainsi expriment-elles la catholicité (c'est-à-dire au sens propre l'universalité), et l'unité de l'Église, qui, comme on sait, sont comptées depuis les Conciles de Nicée-Constantinople au 4e siècle, comme deux des quatre attributs de l'Église (les deux autres étant la sainteté et l'apostolicité).

Mais, demandera-t-on, quelle exégèse fonde et autorise donc ce modèle ecclésiologique? Le simple fait que dans tout le Nouveau Testament il n'existe que deux acceptions du mot « église » (ekklesia, assemblée de ceux qui ont été appelés): 1. soit une église locale ou des églises locales, qui ont chacune leur adresse physique, là où se réunissent les fidèles autour de la prédication de la Parole et l'administration des sacrements, desservis par les ministères institués, en particulier celui de l'ancien, ou presbytre; 2. soit l'église comme corps universel du Christ, qui n'a, elle, aucune adresse sur terre, mais dont la seule adresse est au ciel, dans la personne même du Christ ressuscité, vivant éternellement à la droite du Père. Ceci est particulièrement patent dans les épîtres de saint Paul, lesquelles, dans leur salutation initiale, sont adressées soit à une église particulière (celle qui est à Corinthe -littéralement : à l'église de Dieu qui est à Corinthe - ), celle qui est à Thessalonique (à l'église des Thessaloniciens en Dieu le Père et le Seigneur Jésus-Christ), celle qui est à Rome - à tous ceux qui sont à Rome, aimés de Dieu - ) etc.; soit à une pluralité d'églises locales, dans le cas de celles qui étaient situées dans la province de Galatie - aux églises de la Galatie -). Les lettres adressées par Jean de Patmos à sept églises locales au début de l'Apocalypse (Ephèse Smyrne, Pergame etc.) ne témoignent pas d'une autre réalité ecclésiale et par conséquent ecclésiologique. Il est symptomatique à cet égard de noter qu'aucune lettre de Calvin aux réformés en France n'est adressée à l'Église de France. Ce sont toujours des lettres écrites à des églises particulières, ou bien aux églises en France. Du reste jusqu'en 1659 (date du dernier synode réformé avant la Révocation de l'Édit de Nantes, celui de Loudun), les synodes seront tous synodes des églises - au pluriel donc - de France.

 

4. Le parcours calviniste de Johannes Althusius

Il nous faut garder à l'esprit ces éléments lorsque l'on aborde la pensée de Johannes Althusius, dont quelques étapes du parcours personnel méritent d'être soulignées, afin de ne pas verser dans une appréciation réductrice de son engagement au service de la Cité.

Rappelons tout d'abord qu'Althusius appartient à la quatrième génération de la Réforme, étant né aux alentours de 1560 (Calvin, qui appartient à la seconde génération, meurt en 1564). Il est le fils d'un prédicateur à la cour calviniste de Diedenshausen dans le comté de Sayn-Wittgenstein, en Westphalie. S'il a d'abord étudié Aristote à Cologne, puis le droit romain à Genève, sous Denis Godefroy, il a également étudié la théologie: à Bâle il reçoit en 1586 un doctorat aussi bien en droit civil qu'en droit ecclésiastique.21 Notons qu'à cette époque, la faculté de droit de Bâle, jouissant d'une renommée considérable, offrait un clair profil évangélique, les influences luthériennes et calvinistes jouant un rôle à peu près égal.22 Le juriste français François Hotman, propagandiste calviniste de premier ordre en France avant la persécution de 1572, y avait fait un séjour de 1578 à 1584, y donnant des cours privés, et y retournant fin 1589 pour y mourir six mois plus tard.23

Nommé en 1604 syndic de la ville d'Emden, en Frise orientale, Althusius sera également, à partir de 1616 et jusqu'à sa mort en 1638, ancien dans son église, participant notamment de manière active au grand synode réformé de Dordrecht (1618-1619) provoqué par la controverse avec les disciples de Jacob Arminius sur la question de la Grâce et de la synergie avec la volonté humaine dans l'obtention du salut. Althusius y maintiendra une position calviniste fermement opposée aux Remonstrants.

Le fait qu'il ait passé environ trente-cinq ans de sa vie dans la ville d'Emden est également significatif en raison d'un autre synode réformé d'importance majeure qui s'y est déroulé en 1571, et qui a largement contribué à formuler les principes ecclésiologiques qui viennent d'être présentés succinctement. L'ordre ecclésiastique réformé mis en place cinquante ans plus tard, lors du synode de Dordrecht (et qui fut ratifié par les églises réformées françaises réunies elles-mêmes en synode en 1620 à Alès) insiste sur le fait qu'aucun ministre du culte, ou aucune église locale, n'a le droit ou le pouvoir de prendre le contrôle d'une autre église locale ou de s'immiscer dans ses décisions, qui ne relèvent que de la compétence du conseil des anciens de la seconde, puisqu'elles sont toutes « églises » à part entière, étant localement la manifestation visible du corps du Christ, sans avoir besoin d'une quelconque béquille extérieure.24 Si, sur un point de doctrine ou de discipline, l'une d'entre elles contrevient à l'ordre et à la discipline déterminés ensemble au cours des assemblées ecclésiastiques (dans le cadre d'une sphère concentrique de prise décisionnelle par consensus, autant que possible), c'est de manière ordonnée et après des enquêtes menées par des délégués accrédités d'églises sœurs, que l'affaire doit être réglée, avec toujours la possibilité d'un appel fait à la réunion ecclésiastique plus large, au sein du cercle concentrique. Le principe étant qu'en toutes choses, la Parole de Dieu et les confessions de foi adoptées communément ont seules l'autorité ultime pour déterminer l'issue à donner au contentieux. Nous sommes là tout à fait dans l'esprit de ce que Calvin expliquait dans l'extrait du sermon CIV sur Deutéronome 17 cité plus haut. Plus encore, c'est tout l'argument qu'il développe de manière très fournie dans le quatrième livre de l'Institution Chrestienne de 1559-1560 (notamment au chapitre 9).

A la suite d'autres synodes tenus à la fin du seizième siècle, le synode de Dordrecht (1618-1619) exprime clairement aussi le principe de subsidiarité qui doit à tout moment être respecté dans les assemblées ecclésiastiques: à savoir que dans les assemblées majeures ne doivent se traiter d'une part que les affaires ou causes émergeant des assemblées mineures mais que celles-ci n'ont pas pu résoudre, et d'autre part seulement des affaires ou des causes qui ressortissent directement des assemblées majeures car par leur nature et leur portée, elles concernent d'emblée un cercle concentrique d'églises plus large. De plus, dans toute assemblée ecclésiastique qu'elle soit mineure ou majeure, ne doivent être traitées que des questions ecclésiales, et selon le droit ecclésiastique adopté en commun: c'est l'article 30 de l'ordre ecclésiastique de Dordrecht.

Depuis sa naissance, toute la vie d'Althusius a été marquée par cet héritage, par cette réflexion et ces préoccupations concernant la vie de l'Église. On l'a vu, il en a été imprégné et s'y est abondamment impliqué. Comment donc imaginer qu'ils n'aient pu influencer d'une manière ou d'une autre sa théorie politique et la pratique qu'il lui a donnée en tant que syndic de la ville d'Emden? On notera pourtant avec intérêt le fait que le Synode de Dordrecht est postérieur de quatre ans à la troisième édition, augmentée et définitive, de la Politica par Althusius, ce qui pose la question de l'inversion (ou de la réciprocité) de l'influence que les deux sphères ont pu avoir l'une sur l'autre.

Dans le même ordre d'idées on ne saurait non plus ignorer le fait que la structure politique d'une ville comme Emden, jouissant d'une large autonomie en tant que ville impériale libre après 1595, représentait une sorte de versant séculier consonnant avec l'organisation ecclésiastique réformée. Bien qu'Emden ne fît pas partie de la ligue hanséatique du nord, elle se trouvait sur l'axe géographique de cette confederatio économique née vers le 13e siècle avec l'accession de la bourgeoisie aux commandes des villes en bordure de la mer Baltique et de la mer du Nord. Aux Pays-Bas voisins en train de se constituer, la position juridique des consistoires locaux était, mutatis mutandis, celle des municipalités vis-à-vis des Provinces et des États-Généraux des Provinces-Unies (Staaten Generaal) créées par l'Union d'Utrecht de 1579.25 Et, pour mémoire, la confédération helvétique était formée dès 1291.

Déterminer en détail les influences mutuelles qui ont pu jouer dépasse le cadre de cette étude, d'autant qu'il faudrait y inclure l'ancien droit germanique26 ainsi que les écoles de Salamanque et de Coïmbre, abondamment citées - avec de multiples autres auteurs - par Althusius dans la Politica.27

 

5. Association universelle symbiotique et subsidiarité chez Althusius

Pour Althusius, la matière du sujet de la politique, c'est l'association, la famille constituant l'association de base. Le premier paragraphe de la Politica définit celle-ci comme suit:

La politique est l'art d'établir, de cultiver et de conserver entre les hommes la vie sociale qui doit les unir. Ce que l'on appelle la symbiotique. Le sujet de la politique est donc la consociation, par pacte exprès ou tacite, par laquelle les symbiotes s'obligent les uns les autres réciproquement à la communication mutuelle des choses qui sont utiles et nécessaires à l'usage et à la participation de la vie sociale. La fin de la politique symbiotique développée par les hommes est la symbiose sacrée, juste, appropriée et heureuse, et d'assurer qu'il ne manque aucune chose nécessaire ou utile à la vie.28

Sous la bannière d'une association universelle et majeure, Althusius nous présente une communion universelle symbiotique qui peut être soit ecclésiastique, soit séculière. Dans le schéma qu'il en a lui-même donné, il comprend, sous l'aspect ecclésiastique: a. l'établissement et la conservation de la religion sincère; b. l'ouverture d'écoles; c. l'exercice public du culte chrétien. A la base de toute association se trouve la notion de communicatio, c'est-à-dire l'acte de mettre en commun et de gérer en commun l'objet partagé.29

Afin de mieux cerner les ressorts présidant à la formation de la consociatio universalis pris comme un ensemble d'associations ayant à chaque fois pur but de promouvoir l'objet qui les a justifiées, développant par là une certaine forme de richesse,30 il convient ici de laisser largement la parole à G. Demelemestre, qui les a étudiés en détail. Elle note tout d'abord qu'Althusius suit l'intuition d'Aristote considérant l'homme comme un animal naturellement politique. Cependant, chez Althusius cette aspiration politique doit se manifester sous forme (ou formalisation) de pacte, compris comme reconnaissance réciproque de la forme de vie associée, ce qui implique la reconnaissance d'une humanité en chaque homme, et le respect de son intégrité physique et morale, de sa vie et de sa réputation.31 Mais contrairement à la compréhension moderne et individualiste du contrat, Althusius considère que l'homme tend nécessairement à la vie symbiotique parce qu'il est créature de Dieu, et que c'est pour lui le seul moyen de pouvoir réaliser son humanité.32 Althusius distinguera alors dans chaque constitution juridique, ce qui relève de la lex naturalis communis, commune à tous les hommes, et ce qui est propre à chaque communauté ou regroupement humain, la lex civilis propria.33

La question de la norme suivie par le législateur et la place du Décalogue dans le système althussien est posée d'emblée dans la présentation donnée par G. Demelemestre à la Politica methodice digesta. Son explication mérite d'être citée ici de manière extensive:34

Mais quelle norme suivra le législateur pour obliger les citoyens ? Peut-on abstraire l'activité législative de tout cadre de référence? La volonté souveraine a-t-elle assez de substance pour nourrir, seule, la formation de la loi? Althusius répond par la négative: la puissance normative de la loi ne peut lui venir que d'un fondement transcendant, en l'occurrence le Décalogue, car « La loi vivante (regula vivendi), obligeant et administrant, est la seule volonté de Dieu, qui est la voie de la vie, et la loi des choses qui doivent être faites ou auxquelles on doit renoncer [...] ».35 La Loi divine exprimée dans le Décalogue est la source de tout acte législatif, dans la mesure où la loi est avant tout la règle de vie des hommes. On retrouve l'idée aristotélicienne que la loi régule les relations entre les hommes, qu'elle équilibre leurs rapports en donnant à chacun ce qui lui est dû. Mais l'observation de la nature n'est pas la source du juste; c'est la regula vivendi qui en formule les principes essentiels. La première table du Décalogue pose ainsi le commandement de l'amour de Dieu, inscrivant par là l'existence humaine dans une attitude de travail sur soi pour se rapprocher de Dieu, tandis que la seconde commande à l'amour du prochain, conditionnant la relation que les hommes entretiendront les uns avec les autres. Elles sont décrites par Althusius, de nombreuses fois, comme les fondements de la politique, ce qui ressort de la désignation qu'il leur donne, puisque l'expression « loi vivante » traduisait, pendant l'époque médiévale, ce qui reliait le monarque à Dieu (...) Althusius conservera, comme fondement de tout commandement politique, l'axiologie Loi divine - loi positive, ou droit divin - droit naturel. lls sont ici compris comme ce qui permet à la communauté de remplir au mieux sa fonction (...) Ce qui engendre la communauté de vie et sera au fondement des droits de souveraineté est donc la regula vivendi, dont les lois humaines sont le prolongement. Le droit naturel ne rend pas les lois positives superflues, parce que le commandement doit s'adapter à la spécificité des collectivités auxquelles il s'adresse. Mais il en est le fondement pour qu'elles puissent déterminer plus précisément ces sagesses qu'il comprend et auxquelles il destine l'humanité. Le droit naturel n'est qu'une forme du droit divin, et il est inscrit ans le cœur des hommes pour leur permettre de concevoir le droit positif.

Or c'est uniquement à partir de la lex vivendi que la notion d'autorité humaine peut être proprement établie. L'autorité et la puissance sont voulues par Dieu pour être mises au service du prochain « car aucun pouvoir n'est en soi mauvais ou dommageable, s'il sert le bien et l'utile, et s'il est mis au service de l'utilité et du salut de ceux qui le respectent».36 Au plus haut niveau de la pyramide constituée par une association progressive d'associations37de complexité croissante telles que la ville-cité ou la province - associations de groupes dont il faut rappeler qu'elles retiennent toutes une certaine part des droits de souveraineté - le jus regni est détenu par un corps gouvernemental ultime. Il détient un droit supérieur à chacune des associations, lesquelles doivent le lui reconnaître, et est chargé de veiller à l'harmonie de l'ensemble.38 Demelemestre poursuit ainsi sur les niveaux de droit distingués et hiérarchisés au sein des associations publiques composées par les villes et les provinces:

(...) on voit Althusius s'engager (...) dans une discussion sur les différentes fonctions respectivement accomplies par les membres du collège des sénateurs et par le préfet. Plusieurs niveaux de droit sont alors distingués et hiérarchisés, ce qui permet de comprendre comment l'architecture juridique de la consociatio universalis peut reconnaître l'autonomie de ses membres sans imploser. Le pouvoir, consécutif à la reconnaissance de ces droits, opère ainsi de façon subsidiaire: les attributions de l'échelon supérieur doivent toujours être limitées de façon telle qu'il n'ait à intervenir qu'en cas de défaillance des échelons inférieurs.

Si nous retrouvons ici le principe de subsidiarité tel que le synode de Dordrecht l'édicte pour les réunions d'églises réunies en assemblées majeures ou mineures, il faut cependant insister sur le fait que dans la sphère publique, ce principe s'exprime par un jus regni placé en haut d'une hiérarchie pyramidale par les degrés d'associations formant la consociatio, qui en sont les mandataires (et qui, en tant que tels, retiennent partie de la souveraineté). La communion universelle symbiotique concernant la sphère ecclésiastique relève, dans sa spécificité et son gouvernement propres, du seul jus divinum exprimé dans la Parole normative, Parole à la fois écrite (Écriture Sainte) et incarnée (Jésus-Christ). Or c'est justement ce jus divinum qui détermine la structure concentrique de la consociatio ecclésiastique. Ceci n'exclut certes pas son exposition au jus regni mais qualifie la nature et le degré de son interaction avec la strate ultime du gouvernement humain.

Au cours de son long mandat de syndic de la ville d'Emden, et en tant qu'ancien (elder) de l'église, Althusius aura eu l'occasion de mesurer, voire de conjuguer cette exposition en respectant les différentes sphères de souveraineté, prérogative dont ne pouvait disposer Calvin au même titre, puisque le simple statut de citoyen de la ville de Genève ne lui fut octroyé par le Conseil de la ville qu'à la Noël 1559 - soit moins de cinq ans avant sa mort - octroi motivé par les services exceptionnels qu'on lui reconnut alors avoir rendu à la cité par son œuvre et son influence.

En pointant en direction de l'ecclésiologie calvinienne j'ai souhaité mettre en évidence quelques éléments de la filiation qui existe entre Calvin et Althusius, éléments qu'il faudrait certes analyser plus en profondeur, à l'aide de sources concrètes, pour établir plus en détail ce qui en fait la spécificité. Cette filiation par le biais de l'ecclésiologie tend à passer inaperçue au profit de remarques générales sur les idées politiques de Calvin, transmises à Althusius soit durant son séjour genevois, soit par l'intermédiaire de F. Hotman lors de ses études à Bâle. J'espère au moins avoir rendu visibles quelques liens supplémentaires qui témoignent chez l'un comme chez l'autre d'une recherche de cohésion dans la société humaine, au sein d'une vision du monde unifiée par et sous une même souveraineté d'ordre transcendant, garante des libertés et des équilibres communautaires.

 

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Correspondence:
Eric Kayayan
Email: erickayayan@gmail.com

Published: 15 Dec 2017

 

 

1 This paper was presented during a colloquium held in Paris on July 8, 2017 by Foi et Vie Réformées (www.foietviereformees.org) on the following theme: Calvin /Althusius, racines et pertinence de la pensée politique protestante. In its tone and style it reflects the preoccupations of the context in which it was presented, with some allusions to current cultural, religious and ideological trends. Papers presented during this colloquium can be viewed on: http://www.foietviereformees.org/colloque-calvin-althusius/
2 Dans le paragraphe d'introduction de son article La théorie politique « réformationnelle » et le pacte social, P. Wells qualifie comme suit la nature de ce contrat social fondé sur l'individualisme moderne: Une des caractéristiques de la modernité en Occident est la montée de l'individualisme et son corrélat - la relation entre l'individu et la communauté. La séparation radicale entre l'individu et l'Etat a été considérée, dans le meilleur des mondes possibles, comme le moyen de garantir la liberté de l'individu, ses droits, ses croyances et sa vie privée, mais elle a été aussi un outil pour remodeler la société humaine au moyen de programmes imaginés par des «ingénieurs» sociaux. L'Etat est aussi considéré comme le bienfaiteur omniprésent et omnipotent qui prend en main les intérêts des citoyens. Cet article a d'abord été publié en anglais dans Themelios, 31 (2006: 3), 32-47 puis traduit et modifié dans sa version française. Il est ici cité dans la version en ligne de la Revue Réformée : http://larevuereformee.net/articlerr/n244/la-theorie-poli-tique-«reformationnele»-et-le-pacte-social
3 Calvin (1561:409) exprime ainsi cette distinction au quatrième de livre l'Institution (4.11.3): Car ce qu'aucuns imaginent qu'ç'a [sic] este un ordre temporel que cestuy-la, pour le temps que les Princes & Seigneurs & gens de iustice estoyent encore contraires à la Chrestiente, ils s'abusent en ce qu'ils ne considerent point combien il y a de difference, & quelle est la diversite entre la puissance Ecclesiastique & la puissance terrienne. Car l'Eglise n'ha point de glaive pour punir les malfaiteurs, ne commandement pour les contraindre, ne prisons, ni amendes, ne les autres punitions dont les Magistrats ont accoustumé d'user. D'avantage, elle n'est point à cela, que celuy qui a peché soit puni maugré soy: mais que par un chastiement volontaire il face profession de sa penitence. Il y a donc grande difference, d'autant que l'Eglise n'attente & n'usurpe rien de ce qui est propre au Magistrat: & le Magistrat ne peut faire ce qui est [fait] par l'Eglise. Les citations de l'Institution sont effectuées à partir de l'édition publiée à Genève par Conrad Badius au mois d'avril 1561. Il s'agit de la toute première réimpression du texte français de l'Institution de 1560.
4 On trouve une bonne illustration de la confusion qui règne à ce sujet dans les appréciations divergentes concernant la soi-disant théocratie calvinienne établie à Genève. Ainsi, au chapitre consacré à Althusius par A. de Benoist au début de la seconde partie de son recueil d'essais Critiques / Théoriques (2002:299) on peut lire le passage suivant sur la filiation entre Calvin et Althusius, dénuée de sources précises ou de tout argumentaire sur les notions invoquées: Althusius s'inspire visiblement de Calvin quand il affirme que chaque consociatio doit remplir la fonction à laquelle elle est destinée par ses capacités. Il s'en sépare en revanche nettement quand il s'écarte du droit naturel subjectif, qui lui paraît incapable de rendre compte du caractère organiquement structuré des sociétés humaines, et surtout quand il expose sa façon d'envisager les rapports entre la politique et la théologie. Loi de prôner la théocratie, à la manière de Calvin, ou de tirer de la Bible, qu'il cite pourtant abondamment, les principes essentiels de sa doctrine, il se refuse en effet à placer la science politique dans la dépendance de la théologie, dénonce toute censure cléricale de ses travaux et affirme la nécessité de soumettre étroitement les affaires religieuses au contrôle de la puissance publique. Cette dernière devant veiller « à ce que Dieu soit véritablement reconnu et honoré en privé et en public dans toute l'étendue de l'État » (XXVIII, 15), le clergé se trouve confiné dans l'exercice de son ministère, son pouvoir ne dépassant guère les censures et les admonitions. Manifestement, De Benoist n'a pas lu le quatrième livre de l'Institution Chrestienne (cf note 3 ci-dessus). De son côté, l'historien catholique Yves Krumenacker, dans l'avant-dernier chapitre (« Bilan ») de sa biographie consacrée à Calvin (2009:518-519) rejette cette notion de théocratie couramment attribuée à Calvin, tout en soulignant avec beaucoup plus de justesse la nature essentiellement religieuse de la pensée calvinienne, dans les affaires ecclésiales comme civiles: Calvin, évidemment, n'a pas cherché à préparer des temps nouveaux - ou alors, le Royaume de Dieu. Son principal souci était que toute vie soit soumise à la volonté de Dieu, à commencer par la sienne. Même s'il tient fermement à la séparation des pouvoir temporel et spirituel, s'il refuse toute théocratie, sa pensée est totalement religieuse. L'avenir des sociétés, du monde, ne l'intéressent pas. Seuls comptent le plan de Dieu pour l'humanité et le salut des croyants.
5 CO 27,445-481.
6 Sermon CIV du mardi 19 novembre 1555, CO 27,453-454.
7 Cf. Furet & Richet (1973:248): Le 20 prairial (8 juin) David ordonne la grande fête de l'Etre suprême et de la Nature ; un bouquet d'épis à la main, Robespierre la préside, entouré d'un long cortège qui se déroule des Tuileries au Champ-de-Mars. De l'étranger, de France, des adresses de félicitations lui parviennent: est-ce le prélude d'une restauration religieuse ? C'est en fait une cause supplémentaire d'isolement.
8 Purification idéologique déjà entreprise par la Convention dans les régions françaises rebelles au nouveau régime. Cf. Revel (1988:71): De même, sous la Révolution française, pendant la guerre civile de Vendée, la Convention proclama son ferme propos d « exterminer les brigands de la Vendée », y compris la population civile, pour « purger entièrement le sol de la liberté de cette race maudite». On appréciera la logique du raisonnement qui prône le génocide au nom de la liberté.
9 Sermon CV sur le Deutéronome du mercredi 19 novembre 1555, CO 27,468.
10 Il importe néanmoins de souligner que Calvin n'est pas le père de la théologie alliancielle ou fédérale protestante au 16e siècle. C'est Heinrich Bullinger, le successeur de Zwingli à Zürich, à qui en revient la primeur, avec son ouvrage Du Testament ou Alliance Une et Éternelle de Dieu datant de 1534. Cf. note 13 ci-dessous.
11 L'édition de Badius n'est pas paginée pour cette préface. La citation se trouve à la page 4 de la préface, lignes 16 à 31.
12 Id., p.3.
13 C. Malandrino (2014:99) offre un aperçu historique utile de l'origine et de la diffusion de la pensée fédérale à partir du 16e siècle en insistant sur son point de départ dans la théologie réformée. Sans être nommé, Althusius s'inscrit évidemment dans ce courant lancé par les investigations des théologiens et juristes qui se situent dans la période allant de la moitié du 16e siècle au début du 17e: Criticism [de la théorie de l'absolutisme royal énoncée notamment par Jean Bodin] assumed various forms, rooted in different doctrines and political positions, including a reformulation of medieval constitutionalism based on Thomist Scholastics or on the republican tradition or, alternatively, on the tradition which in the works of many authors were known as covenantalism; other forms of critical attitudes were expressed by anti-tyrannical thought, termed monarchomachism by William Barclay at the turn of the 17th century, and by the Reformation movements, above all the democratizing strands of such movements arising from a Calvinist background, which lay at the origin of the conflicts that resulted in century-long wars set against a religious backdrops, but underlying of a quintessentially political nature. It is in this context that a theological-political re-meditation with a federalizing orientation began to take shape, adapting to the new times the themes characteristic of covenantalism, that is to say, of the pact established between God and man, and between the people and the sovereign. This strand of thought which developed within the framework of political categories that were still to a large extent premodern and linked to the conception of society as divided into estates, aimed to establish the divine and 'popular' origin of sovereignty, together with the intrinsically pluralist and complex make-up of society and the State. Known by historians as 'federal theology', it sprang from the investigations of theologians and scholars of law who, in the period between the mid sixteenth and the early seventeenth century, drew their inspiration primarily from the teachings of Jean Calvin, Huldrych Zwingli and his successor in Zurich, namely Heinrich Bullinger, who in 1534 published a pamphlet that would be of fundamental importance for the development and propagation of federal theology, entitled De testament seu foedere Dei unico et aeterno.
14 Le mot heritage doit ici être compris comme « succession héréditaire ».
15 Sermon CV, CO 27,459.
16 Id. CO 27,459-460.
17 Hébreux 7:24-25: Mais lui [Jésus], parce qu'il demeure éternellement, possède le sacerdoce non transmissible. C'est pour cela aussi qu'il peut sauver parfaitement ceux qui s'approchent de Dieu par lui, étant toujours vivant pour intercéder en leur faveur. Cf Spoelstra (1989:169) sur l'ordre ecclésiastique de Dordrecht: Die kerkregering hou dus in die eerste plek rekening met die Christus-regering deur middel van gawes of ampte (charismata) wardeur die plaaslike kerk versorg, regeer en opgebou word (...) Tweedens ontbreek enige aanduiding in die Skrif dat Christus in die plek van die apostels 'n hiërargie, superintendente-amp of sinode-instituut oor die gemeente(s) ingestel het.
18 Comprendre: une confusion maudite par Dieu.
19 Sermon CIV, CO 27,450-451.
20 Cf Spoelstra, sur l'article 30 de l'ordre ecclésiastique de Dordrecht (1989:30): Kerke kan nie die opdragte wat Christus aan die ampte in die plaaslike kerk gegee het, delegeer of aan ander kerklike strukture opdra nie. Hulle kan ook nie nuwe eenhede vorm, aansluit by of oplos in ander liggame of strukture nie. Hulle kan egter met behoud van eie selfstandigheid met ander kombineer om saam te doen wat tot die eenheid, goeie orde en beswil van elke kerk sal strek. Om hierdie optrede moontlik te maak, gaan die selfstandige kerke kragtens hulle kerkverband in Christus 'n kerkorde met mekaar aan wat die gegewe Skriftuurlike kerkreg behoort te respekteer.
21 Sa thèse en droit civil étant intitulée : De arte jurisprudenti
œ Romanœ methodice digestœ libri. Le sujet de sa thèse en droit ecclésiastique ne nous est pas connu.
22 Cf. C. Strohm (2008:163-164): In den sechziger une siebziger Jahren des 16. Jahrhunderts erlebte die juristische Fakultät der Universität Basel einen erstaunlichen Aufscwung und wurde, wie die Forschungen Karl Mommsens gezeigt haben, zur führenden Promotionsfakultät des protestantischen Europa. Keine andere juristische Fakultät im Reich hatte Ende des 16. und Anfang des 17. Jahrhunderts mehr Doktorpromotionen vorzuweisen als die Universität Basel. Sur l'orientation confessionnelle de la faculté, Strohm ajoute cependant (2008:165): Bisher nicht geklärt ist die zentrale Frage, welche Rolle bei der signifikanten Vervielfachung der Doktorpromotionen konfessionelle Faktoren gespielt haben. De même plus loin (p. 167): Die Frage des Verhältnisses von reformierten und lutherischen Disputanten läßt sich kaum beantworten. Die Grenzen sind hier fließend und aufgrund der zahlreichen Übergänge vom Luthertum zum Calvinismus in der Jahrzehnten zwischen 1550 und 1650 lassen sich vielfach keine klaren Zuordnungen treffen.
23 Strohm (2008:174) résume ainsi l'approche du droit par ce juriste monarchomaque de premier ordre, auquel il semble impossible qu'Althusius n'ait pu avoir affaire d'une manière ou d'une autre durant ses études à Bâle: Mit seinen rechtwissenschaftlichen Werken hat er herausragende Beiträge zur historischen Kontextualiserung und systematischen Erschließung des Römischen Rechts, aber auch der Wiederaneignung französischen Rechts geleistet.
24 Cf. Spoelstra (1989:464): Die een kerk van Christus is aanwesig op baie plekke waar gelowiges in die eenheid van 'n ware geloof rondom die Woord en sakramente vergader en deur dié Woord en Gees regeer word (...) Gevolglik is elke plaaslike kerk 'n selfstandige openbaring van die liggaam van Christus in sover dit die kenmerke van die liggaam van Christus vertoon (.) Geen kerk kan daarop aanspraak maak dat hy seggenskap oor 'n ander kerk het nie. In die Nederlandse Gereformeerde kerkreg is die selfstandigheid van die sogenaamde "plaaslike kerk" as uitgangspunt geneem (...) Reeds vroeg in die 16de eeu is beklemtoon dat elke kerke hom moet hou binne die grense van sy eie regsbevoegdheid (...) Een of meer kerke verkry dus nie kragtens kerkverband of kerkorde imperiale seggenskap oor 'n ander kerk nie.
25 Cf. Spoelstra (1989:180): Die regsposisie van kerkrade stem basies ooreen met dié van Nederlandse munisipaliteite wat selfstandigheid en eie verantwoordelikheid teenoor die provinsies en State-Generaal gehad het.
26 Cf. Demelemestre (2011:132): La position d'Althusius à la fois dans l'histoire, dans la pensée politique et dans la pensée des idées, est singulière, puisqu'il raisonne dans les cadres du droit germanique, qui est très différent du droit romain utilisé par Bodin, et qu'il réécrit son ouvrage lorsqu'il aura à assumer la charge de syndic et de conseiller du Conseil à la ville d'Emden.
27 A cet égard il convient de mentionner de manière générale les travaux publiés par la Althusius Gesellschaft (www.althusius.de).
28 Demelemestre, 2012:51, Politica 1, par. 1. Les citations par G. Demelemestre sont traduites par elle-même en français à partir de l'édition de la Politica de 1979 par Arno Press, qui est une reprise de celle de C.J. Friedrich de 1932.
29 Cf. Demelemestre (2011:179): La communicatio, soit la base de cette aptitude à l'association organisée - et donc de toute la vie sociéto-politique pour Althusius - se distingue en mise en commun de biens (communicatio rerum), de fonctions (communicatio operarum) et des droits (communicatio juris), dont les modalités varient en fonction de la nature de l'association. La capacité à mettre en commun et à bien gérer en commun les objets partagés est le n
œud problématique de toute la vie collective, et donc de la politique, car « qu'est-ce que la République sans communion et communication des biens et des services nécessaires à la vie ?» [Politica, préface à la troisième édition]. L'acte de communiquer est en conséquence la condition de possibilité de la politique, puisqu'il permet à la sociabilité de se réaliser pragmatiquement.
30 Demelemestre, 2012:16.
31 Id., p. 13-14.
32 Id., p. 14.
33 Id., p. 22.
34 Id., p. 20-21.
35 Id., p. 20, Politica, XXI, 16, p. 189.
36 Id., p. 15, Politica, XIX, 37, p. 166.
37 Consociatio consociationum.
38 Demelemestre, 2012:16. Quelle est la place de la communicatio dans la sphère du gouvernement (jus regni)? Demelemestre répond comme suit (2011:179): Il [l'acte de communiquer] rend compte de toute la finalité de l'organisation politique, puisque le gouvernement (jus regni) est lui-même le lieu d'une communicatio, et qu'il doit veiller à ce que les autres associations possédant leurs modes propres de mise en commun respectent la loi universelle (lex universalis) c'est-à-dire qu'elles n'interagissent pas injustement les unes avec les autres.

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