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Fundamina

versão On-line ISSN 2411-7870
versão impressa ISSN 1021-545X

Fundamina (Pretoria) vol.20 no.2 Pretoria  2014

 

Prévisibilité du dommage et damnum extra rem

 

 

Pascal Pichonnaz*

Chaire de droit privé et de droit romain; doyen de la Faculté, Université de Fribourg

 

 


ABSTRACT

The European Parliament has just approved a new set of optional rules for distance contracts of sale. Article 161 of the Common European Sales Law provides for a limitation of damages in respect of reasonably foreseeable losses suffered by the debtor. Pothier spoke of the notion of foreseeability of recoverable damages, which was based on Roman-law texts dealing with interesse circa ipsam rem, and developed in the Middle Ages when the important distinction between interest circa ipsam rem and interest extra rem was drawn. He brought together the idea of contract as an exchange of promises and the limitation of damages based on the object of the promise itself. Correctly excluding such limitation where losses were caused deliberately, he laid the foundation for the codification of natural law in this respect. However, the Pandectists' codifications discarded the foreseeability argument in favour of the concept of adequate causal link. Despite a more pandectistic concept of contract, modern principles have reverted to the foreseeability argument. Moreover, in Article 161 CESL the reason for excluding from the foreseeability limitation losses caused deliberately seems to have been forgotten. This contribution attempts to trace this historical evolution in order to provide a better understanding of the current position.


 

 

Le 26 février 2014, le Parlement européen a adopté à une large majorité une version modifiée du projet de Règlement pour un Droit commun européen de la vente (DCEV), le fameux Common European Sales Law (CESL)1. Fondé sur un projet de règlement mis en discussion par la Commission européenne le 11 octobre 20112, le projet a été remanié par le travail des commissions, qui ont proposé 264 amendements au texte du projet de la Commission européenne3. Celles-ci sont issues du rapport de synthèses de la Commission des affaires juridiques du Parlement européen4, adopté le 17 septembre 20135, lui-même largement inspiré de la détermination du European Law Institute sur le projet6. Soumis à la procédure de codécision, le projet de Règlement tel qu'adopté par le Parlement européen doit encore être approuvé par le Conseil des Ministres.

Ce futur règlement européen prévoit les modalités d'application d'un droit commun européen de la vente. Il s'agit d'un régime qui doit être choisi d'un commun accord par les parties (art. 1 al. 1 et art. 8 Projet de Règlement [ci-après: P-Regl.]), en cas de contrat conclu à distance, en particulier online (art. 1 al. 1, art. 2 let. p et art. 5 al. 1 P-Regl.), passé entre un professionnel et un autre professionnel ou un consommateur (art. 1 al. 2 et art. 7 P-Regl.).

Cet ensemble de règles constitue ainsi un second régime à choix, pour chacun des 30 régimes contractuels nationaux (art. 11 P-Regl.)7.

Ces règles communes devront s'appliquer aux contrats passés avec un fournisseur en tant que régime alternatif au droit national dans chacun des Etats-membres (art. 1 al. 1 et art. 11 P-Règl.). Ainsi, le fournisseur et le consommateur ou un autre fournisseur auront le choix entre le droit national applicable selon les règles de droit international privé et le droit commun européen de la vente (art. 11 al. 1 P-Regl.)8.

Un tel développement ne peut évidemment pas laisser le juriste européen insensible. Au cours de son activité européenne, le jubilaire a notamment enseigné dans tous les pays de l'Union européenne, ou presque. Certes, son enseignement a porté le plus souvent sur le droit romain et l'influence grecque et de la philosophie grecque dans ce régime juridique; toutefois, les préconceptions des étudiants évoluent et vont évoluer sous l'impact de ce futur Common European Sales Law. Leur perception de ce qui est juste, marqué par le "bon sens juridique", sera aussi modelée par ce nouveau texte, si les destinataires l'utilisent, ce qui n'est pas encore certain9. Les romanistes doivent dès lors aussi se préoccuper de cette évolution.

Nous souhaitons examiner ici un problème très limité, mais aux conséquences concrètes non négligeables, à savoir comment le CESL délimite le dommage réparable. Sous le chapitre consacré à la réparation du dommage, l'art. 161 CESL traite ainsi de la "prévisibilité du préjudice" et dispose ceci: "Le débiteur n'est responsable que du préjudice qu'il a prévu ou est censé avoir prévu au moment de la conclusion du contrat comme étant une conséquence de l'inexécution". Il ne s'agit pas d'une limitation du principe de la réparation totale (prévue à l'art. 160 CESL), mais bien de la détermination du dommage réparable.

La notion de prévisibilité se retrouve bien sûr dans les régimes de droit naturel, tels le Code civil français, le Code civil belge ou encore l'ancien Code civil néerlandais de 1838 (BW)10, mais aussi dans le Code civil espagnol11. On retrouve la même idée de prévisibilité dans les régimes de Common law, sous l'effet du fameux arrêt Hadley v. Baxendale (23 février 1854)12.

En revanche, les régimes influencés par une conception plus pandectiste du droit, tels le droit allemand, le droit suisse ou encore le nouveau Code civil néerlandais de 1992 (NBW), ne contiennent plus de référence expresse à la prévisibilité du dommage; ils jouent plutôt avec la notion de causalité adéquate entre la violation contractuelle et la survenance du dommage13.

La question n'est pas ici de déterminer la meilleure approche, mais plutôt de comprendre cette notion de prévisibilité. Après avoir rappelé la distinction romaine fondée sur le dommage circa ipsam rem, puis celle du Moyen-Age entre dommage circa rem et dommage extra rem, nous évoquerons la conception des codificateurs modernes. Cela nous permettra de donner quelques pistes de réflexion pour l'interprétation de l'art. 161 CESL en guise de conclusion.

 

1. Droit romain: un dommage initialement essentiellement circa ipsam rem

On peut identifier trois approches dans la délimitation de l'ampleur du dommage contractuel. La première se limite à la valeur de l'objet du contrat, circa ipsam rem, la seconde s'étend à toutes les conséquences de la commission du dol, et la troisième, qui repose sur une constitution de Justinien, entend limiter l'étendue dans les cas au double de la valeur de la chose.

(a) En cas de violation des obligations du contrat de vente notamment, l'actio empti permet à l'acheteur d'obtenir la réparation de l'id quod interest, à savoir l'intérêt que représente pour l'acheteur le non-respect par le vendeur de l'obligation violée (""omnis utilitas emptoris"). Les dommages-intérêts octroyés sont alors la compensation de cet id quod interest. Un texte de Paul précise notamment les limites de la réparation, en les fixant à la valeur de l'objet-même du contrat, circa ipsam rem:

D. 19.1.21.3 Paul. lib. 33 ad ed.

Cum per venditorem steterit, quo minus rem tradat, omnis utilitas emptoris in aestimationem venit, quae modo circa ipsam rem consistit: neque enim si potuit ex vino puta negotiari et lucrum facere, id aestimandum est, non magis quam si triticum emerit et ob eam rem, quod non sit traditum, familia eius fame laboraverit: nam pretium tritici, non servorum fame necatorum consequitur. Nec maior fit obligatio, quod tardius agitur, quamvis crescat si vinum hodie pluris sit.

Ainsi, le dommage réparable par l'actio empti correspond avant tout à la valeur de la chose elle-même (circa ipsam rem) et non au dommage consécutif à l'inexécution, que ce soit un manque à gagner ("conclure des affaires et faire du bénéfice") ou un dommage allant au-delà de la chose elle-même14. Ainsi, dans ce passage de Paul, la délimitation du dommage découle d'abord de la valeur et de la spécificité de la chose elle-même. Certes, c'est bien "toute l'utilité" de la chose pour le créancier qui vient dans l'estimation selon Paul (D. 19.1.21.3: "omnis utilitas emptoris in aestimationem venit"), mais elle doit reposer sur la chose elle-même.

La question est de savoir si cette solution repose sur l'idée que la chose (circa ipsam rem) délimite les contours de la réparation, ou si le manque à gagner n'est pas indemnisé parce que le dommage n'aurait pas été prévisible au moment de la conclusion du contrat, comme l'envisagent certains auteurs15.

Cette dernière solution pourrait en effet se justifier par le fait que, d'une part, un texte d'Ulpien, mis en exergue par les compilateurs de Justinien au début du titre D. 19.1, reconnaît que l'intérêt pouvait dépasser le prix et la valeur de la chose, car il devait couvrir l'intérêt qu'avait l'acheteur à avoir la possession de la chose vendue16. D'autre part, certains textes admettent expressément le manque à gagner. Ainsi, un autre texte de Paul (D. 46.8.13pr, Paul., lib. 76 ad ed.), qui traite toutefois des conséquences du non-respect de la stipulatio "ratam rem dominum habiturum", retient que le manque à gagner doit aussi être couvert. Il indique ceci: "Si commissa est stipulatio ratam rem dominum habiturum, in tantum competit, in quantum mea interfuit, id est quantum mihi abest quantumque lucrari potui"17. En matière d'éviction, Neratius (D. 19.1.31pr-1) semble lui aussi donner le manque à gagner, mais dans une situation où il s'agit de couvrir le bénéfice (lucrum). Il donne ainsi non seulement la chose en retour ("non solum arbitrio"), mais également la réparation de tous les avantages perdus et les frais qui découlent de l'éviction de la chose ("omne lucrum ac dispendium te sequatur")18, alors qu'Hermogénien l'exclut si le manque à gagner dépasse les intérêts moratoires (D. 18.6.20)19. La décision sur la couverture du manque à gagner varie ainsi en fonction des hypothèses20.

On en a déduit que l'étendue de l' id quod interest reposait largement sur une analyse au cas par cas21.

(b) Dans un texte non moins célèbre (Ulp., D. 19.1.13), Ulpien citant Julien a toutefois envisagé une réparation pouvant aller au-delà de la réparation de la chose elle-même lorsque le vendeur connaissait les conséquences possibles de l'inexécution défectueuse, mais qu'il s'est tu et a trompé ainsi l'acheteur ("si sciens reticuit et emptorem decepti"):

D.19.1.13pr (Ulp., lib. 32 ad ed.)22

Iulianus libro quinto decimo inter eum, qui sciens quid aut ignorans vendidit, differentiam facit in condemnatione ex empto: ait enim, qui pecus morbosum aut tignum vitiosum vendidit, si quidem ignorans fecit, id tantum ex empto actione praestaturum, quanto minoris essem empturus, si id ita esse scissem: si vero sciens reticuit et emptorem decepit, omnia detrimenta, quae ex ea emptione emptor traxerit, praestaturum ei: sive igitur aedes vitio tigni corruerunt, aedium aestimationem, sive pecora contagione morbosi pecoris perierunt, quod interfuit idonea venisse erit praestandum23.

Ainsi, contrairement au texte précédent, le dommage n'est pas limité à la valeur de l'objet livré. Ce n'est toutefois pas non plus la promesse faite qui limite le dommage à réparer24. Le vendeur doit bien plus réparer la totalité du dommage qui découle de sa mauvaise exécution. Comme nous l'avons indiqué ailleurs, la réparation va au-delà de la chose elle-même parce que le vendeur a commis un dol, et qu'il a trompé l'acheteur25. Les conséquences de son dol et donc son devoir de réparer peuvent ainsi s'étendre bien au-delà de la chose remise en exécution du contrat de vente; au Moyen-âge, on parlera d' interesse extra rem (cf. infra).

Certes, cette "obligation accessoire" du contrat de vente qui impose au vendeur "de ne commettre aucun dol" ("purgari dolo malo"26) est sanctionnée par l'action de la vente (actio empti), mais elle a en quelque sorte une "nature délictuelle" dans l'extension de cette responsabilité. Ce n'est plus la promesse contractuelle qui importe, mais bien la commission du dol (dolus)27, qui est à la fois le fondement de l'obligation de réparer le dommage allant au-delà de la chose elle-même et les limites de la réparation, ou plutôt l'absence de toute limite à cette réparation "omnia detrimenta, quae ex ea emptione emptor traxerit". Il en va d'ailleurs de même lorsqu'un vendeur vend un esclave fugitivus qui ensuite convainc un autre esclave de l'acheteur de fuir avec lui (D. 19.1.13.2).

En effet, le devoir de ne commettre aucun dol fait partie des devoirs généraux de l'ordre juridique romain28. Dans notre cas, il n'est d'ailleurs même pas "concrétisé" spécifiquement par la volonté des parties, puisque dans l'hypothèse de Julien le vendeur ne paraît pas avoir promis quelque chose de spécifique (il n'y a ni dicta, ni promissa). La promesse des parties ou le contrat n'ont donc pas modifié le contenu du devoir de ne commettre aucun dol. Ainsi, le dol a plutôt été commis "à l'occasion" de l'exécution d'un contrat de vente; ce devoir n'a pas été vraiment créé par une promesse spécifique, par une promesse contractuelle.

(c) Une troisième approche de l'étendue du dommage réparable est marquée par une Constitution de Justinien de septembre 530 ap. J.-C. L'empereur limite l'ampleur de la réparation fondée sur l' id quod interest au "double de la quantité" ("dupli quantitatem") dans les cas où l'objet du contrat est "certain"; dans les autres cas, c'est la valeur réelle ("re vera inducitur damnum") qui est due par le défendeur condamné. Nous ne donnons ici que l'extrait initial, qui nous intéresse:

C. 7.47.1.1 (Iust. a. Iohanni pp., a. 530, kal. sept.)

Sancimus itaque in omnibus casibus, qui certam habent quantitatem vel naturam, veluti in venditionibus et locationibus et omnibus contractibus, quod hoc interest dupli quantitatem minime excedere: in aliis autem casibus, qui incerti esse videntur, iudices, qui causas dirimendas suscipiunt, per suam subtilitatem requirere, ut, quod re vera inducitur damnum, hoc reddatur.

Ce passage, abondamment discuté dans la littérature29, est intéressant non seulement par la limitation qu'il pose, mais aussi indirectement par le principe qu'il sous-entend. En effet, si Justinien décide de limiter le dommage réparable au "double de la valeur de la chose", c'est d'abord parce qu'il admet que l'id quod interest peut aller bien au-delà de la chose elle-même (circa ipsam rem). Cela ressort d'ailleurs de la seconde phrase dans laquelle Justinien précise que si le contenu n'est pas une chose certaine, alors le juge doit apprécier "le dommage réel" à l'objet du contrat (damnum re vera). Il prend donc le contre-pied notamment du texte de Paul, qui limitait le dommage à la valeur de la chose et excluait la réparation du dommage consécutif à l'inexécution. Toutefois, en n'évoquant plus la question du dolus, comme le faisait Ulpien dans le texte discuté précédemment, il ne fait pas reposer cette extension sur le dol (sur l'aspect délictuel), mais directement sur la promesse (id quod interest) en lien avec la chose. Ulpien évoque toutefois un aspect similaire à la perspective de Justinien dans le texte D. 19.1.1pr: "hoc autem interdum pretium egreditur, si pluris interest, quam res valet vel empta est".

Justinien reprend ainsi l'idée selon laquelle le dommage doit se fonder sur la chose, mais sa limite peut aller au-delà de la valeur de la seule chose, si l'engagement pris par l'auteur du dommage le justifie, qu'il s'agisse de la promesse ou du dol de celui-ci. La seule limite était alors le double du prix, y compris en cas d'éviction30.

 

2. La distinction fondamentale entre dommage circa ipsam rem et extra rem

La distinction entre un dommage circa ipsam rem et un dommage extra rem apparaît plus clairement à la moitié du XIIe siècle semble-t-il. L'opposition entre les deux expressions et donc le locus de la distinction est le plus souvent attribuée au glossateur Martinus Gosia31, mais on la trouve dans divers manuscrits de l'époque. Ceux-ci donnent comme titre aux passages traités l'intitulé suivant: "Interesse quandoque circa rem, quandoque extra rem spectandum est, item quandoque loco rei, quandoque loco pene"32. On trouve également une mention dans la Summa Trecensis (7.31.233), rédigée entre 1130-115934.

Il y a ainsi, d'une part, l'intérêt circa rem, à savoir l'intérêt à la restitution de la chose elle-même ou sa valeur, et, d'autre part, l'intérêt extra rem, à savoir l'intérêt allant au-delà de la réparation de la valeur de la chose elle-même, mais portant sur le dommage consécutif au défaut, qu'il s'agisse du gain manqué ou du dommage effectif.

Comme l'a relevé E. Schrage, Martinus Gosia explicite l'expression interesse circa ipsam rem dans sa distinctio35 de la manière suivante:

Circa rem id quod interest spectatur, ueluti si uinum uel equus minimo pretio distractus est, uerbi gratia .x. et postea maioris pretii, ueluti .l. efficiatur. Id omne prestandum est quoniam saltim hodie dandum est: si enim datum esset, id omne emptor habiturus esset, ut in d.t. de acc. empt. et uend. l. Si sterilis ancilla [D. 19.1.21pr.], ideoque omnes utilitates que circa rem consistunt dicimus esse prestandas.

Contrairement à ce qui est parfois affirmé, ce n'est pas le dommage direct36, mais bien tout l'intérêt lié à la remise de la chose qui est visé par l'expression interesse circa rem. Les intérêts sont donc aussi partie intégrante de l' interesse circa rem37. Mais surtout, la chose constitue effectivement la limite des dommages-intérêts, mais dans une perspective évolutive, de passage du temps. C'est la valeur de la chose au moment de la restitution et non au moment de la conclusion du contrat qui est ainsi déterminante.

La distinction est même plus claire chez un autre glossateur, Guillelmus de Cabriano, qui indique dans son Casus Codicis ad C. 7.41.138 que l'intérêt circa rem n'est pas le gain que j'aurais pu faire si la chose m'avait été livrée, mais uniquement le montant auquel j'aurais pu vendre l'objet (le vin): "Sed et si vinum venditum non tradidisti, non quicquid ex vino potui lucrari mihi praestabis ... tantum quid circa rem meam interest, id est quanti potui vinum vendere". En revanche, le dommage extra rem va au-delà et couvre tout le dommage jusqu'au double de la valeur qui découle du dol:

Si autem extra rem interesse petatur, quod tunc fit quando qui sciens pecus morbosum vendidit vel tignum iniunctum vel vas vitiosum vendidit, tunc interesse quia non circa rem vertitur ultra duplum porrigitur: tunc enim tenetur venditor seu locator ut prestet quantum intersit emptoris seu conductoris" (Mais si tu réclames l'intérêt extra rem, ce que l'on fait lorsque quelqu'un a vendu - le sachant - une pièce de troupeau malade, ou qu'il a vendu ou loué une poutre jointe ou un vase défectueux, alors il répond de plus que l' interesse circa rem et est condamné jusqu'au double, afin que le vendeur ou le bailleur réponde de l' interesse extra rem de l'acheteur ou du locataire)39.

On le constate, cette distinction porte ainsi sur la différence entre le dommage lié à la chose, et le dommage consécutif au défaut en cas de dol. On peut dire qu'il y a ainsi une compréhension dynamique de la notion de interesse circa rem, mais qui ne couvre pas le dommage consécutif au défaut. Il n'y a toutefois pas encore ici de réflexion liée à la prévisibilité du dommage.

Chez les glossateurs, et surtout dans l'exemple précédent, le double semble aussi affecter l'interesse extra rem. Dans le commentaire de Paulus de Castro (env. 1360-1441), si la distinction entre intérêt circa ipsam rem, appelé intérêt intrinsecus, et intérêt extra rem, appelé intérêt extinsecus, demeure, la limitation au double ne paraît pas centrale pour le dommage extrinsecus, dès lors que l'acte qui le fonde est considéré comme un délit fondé sur une action40:

§ Cum per venditorem. Contra venditorem morosum in tradendo agitur ad interesse intrinsecum, non autem extrinsecum, sive consistat in lucro, sive in damno. Hoc dicit et semper allegatur. Dicitur autem intrinsecum, quod concernit precium rei venditae, si plus, vel minus salvit post moram, ut morosus teneatur quanti plurimi, vel minimi fuit a tempore mora: ... Aliud autem interesse, quando precium non concernit, dicitur extrinsecum: et illud non venit, nisi quando non est dare instrinsecum, ut in casu lex liber homo § finale de verb. oblig. Ain autem venita interesse lucri? Dic, ut dixi in l.3 § fin. De eo quod cert.loco. Ultimo oppono quando veniat extrinsecum, ut supra eo.l.Iul. in prin. Solutio ibi venditor tradidit: et male, quia rem vitiosam, hic non tradidit, et maius reputatur delictum in faciendo, quam in non faciendo, ut l. 2 et ibi nota ad Silla. In glossam.Cum per venditorem. On peut agir contre le vendeur en retard pour le transfert de la chose pour obtenir l'intérêt intrinsèque, et non pour l'extrinsèque, que celui-là consiste en un gain ou une perte. C'est ce qu'on dit et qui est toujours allégué. Et on dit qu'est "intrinsèque" ce qui concerne le prix de la chose vendue, et qu'elle valait en plus ou en moins au moment de la demeure. ... Mais l'intérêt est autre quand cela ne concerne pas le prix; on parle d'intérêt extrinsèque. Et celui-là n'est pas dû, sauf lorsque l'intérêt intrinsèque n'est pas dû, comme dans le cas du texte D. 45.1.103. Mais est-ce que l'intérêt s'étend au gain? Il faut dire comme dans D. 13.4.3. Enfin, j'oppose quand l'intérêt extrinsèque vient, comme ci-dessus. La solution est la suivante. Ici le vendeur a transféré et il l'a mal fait, puisque la chose est affectée d'un défaut; là, il n'a pas transféré, et il est bien plus considéré comme ayant commis un délit en agissant qu'en n'agissant pas).

Nous ne pouvons traiter ici tous les auteurs du Moyen âge ou des temps modernes. Il suffit pour notre propos de faire le constat suivant: Notamment à partir des auteurs de droit naturel, la question de savoir s'il faut octroyer l'intérêt circa rem ou l'intérêt extra rem va être plus clairement mise en relation avec l'idée de promesse et ce que le promettant (débiteur) avait envisagé en promettant quelque chose. Cette notion de promesse contractuelle prend son essor avec Hugo Grotius (1583-1645); elle va influencer Puffendorf et, à travers lui et son traducteur Jean Barbeyrac, également Pothier. En effet, pour lui, c'est la volonté des parties qui détermine les contours de l'obligation, non seulement pour sa naissance, mais aussi lorsque celle-ci n'est pas exécutée41.

Joseph-Robert Pothier (1699-1772) met ainsi en lien la notion d'intérêt circa ipsam rem et celle d'intérêt extra rem, qu'il appelle lui aussi "extrinsecus". Ainsi, dans son traité des obligations, il précise ce qui suit42:

n. 160. Lorsqu'on ne peut reprocher au débiteur aucun dol, et que ce n'est que par une simple faute qu'il n'a pas exécuté son obligation, soit parce qu'il s'est engagé témérairement à ce qu'il ne pouvait accomplir, soit parce qu'il s'est mis depuis, par sa faute, hors d'état d'accomplir son engagement; dans ces cas le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qu'on a pu prévoir, lors du contrat, que le créancier pourrait souffrir de l'inexécution de l'obligation; car le débiteur est censé ne s'être soumis qu'à ceux-ci43.

Il poursuit en écrivant:

n. 161. ordinairement les parties sont censées n'avoir prévu que les dommages et intérêts que le créancier, par l'inexécution de l'obligation, pourrait souffrir par rapport à la chose même qui en a été l'objet, et non ceux que l'inexécution de l'obligation lui a occasionnés d'ailleurs dans ses autres biens. C'est pourquoi, dans ce cas, le débiteur n'est pas tenu de ceux-ci, mais seulement de ceux soufferts par rapport à la chose qui a fait l'objet de l'obligation; damni et interesse, propter ipsam rem non habitam44.

La justification de la prise en compte de la prévisibilité du dommage pour la réparation est - selon Pothier - liée à la promesse (propter ipsam rem) qui fonde l'engagement de la partie au contrat, promesse qui définit (directement) les obligations de son auteur dans le cadre du contrat. Cette promesse constitue, d'une part, la base du contrat lorsqu'elle est acceptée; d'autre part, elle définit directement les contours de l'obligation qu'elle fonde.

Pothier poursuit alors en mettant en lien dommages-intérêts et limite au double du prix:

n. 165. Il est évident que la réduction des dommages [p.144] et intérêts au double du prix de la chose qui a fait l'objet de l'obligation primitive, n'a d'application qu'à ceux qui sont dus par rapport à la chose seulement; et qu'elle n'en peut recevoir à l'égard de ceux que le créancier a soufferts extrinsecùs dans ses autres biens, lorsque le débiteur s'y est expressément ou tacitement soumis: car ces dommages et intérêts n'étant pas dus pour raison de la chose qui a fait l'objet de l'obligation primitive, ne peuvent se régler sur la valeur de cette chose; et ils montent quelquefois au décuple et plus de cette chose ... .

Ainsi, pour Pothier, la limitation à l'intérêt circa ipsam rem ("par rapport à la chose seulement") se justifie par la promesse du débiteur de livrer une chose; cette obligation ne porte que sur l'objet. Une obligation de réparer le dommage extra rem, "extrinsecus", ne se justifie que lorsque le débiteur a assumé cette promesse, expressément (c'est alors une clause de couverture d'un intérêt qui va au-delà de la chose elle-même) ou implicitement, parce que la promesse de livrer la chose contient, implicitement, l'acceptation de veiller à ne pas causer de dommage supplémentaire; c'est la prise en charge du risque parce que l'on est un spécialiste (p. ex. un "tonnelier"). il invoque à cet égard Dumoulin45.

On voit poindre alors la notion de prévisibilité. D'ailleurs, un peu plus avant dans le Traité des obligations, Pothier indiquait:

n. 160. Lorsqu'on ne peut reprocher au débiteur aucun dol ... le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qu'on a pu prévoir, lors du contrat, que le créancier pourrait souffrir de l'inexécution de l'obligation; car le débiteur est censé ne s'être soumis qu'à ceux-ci.

La prévisibilité ne joue toutefois plus de rôle dès que le débiteur commet un dol; dans ce cas, le débiteur répond de tous les dommages, même non prévus. Il y a alors une réparation extra rem, qui couvre le manque à gagner, avec une limitation liée à la causalité qui serait trop éloignée. Sous la plume de Pothier, cela se formule ainsi:

n. 166. Les principes que nous avons établis jusqu'à présent n'ont pas lieu lorsque c'est le dol de mon débiteur qui a donné lieu à mes dommages et intérêts. En ce cas le débiteur est tenu indistinctement de tous les dommages et intérêts que j'ai soufferts, auxquels son dol a donné lieu, non seulement de ceux que j'ai soufferts par rapport à la chose qui a fait l'objet du contrat, propter rem ipsam, mais de tous les dommages et intérêts que j'ai soufferts par rapport à mes autres biens, sans qu'il y ait lieu de distinguer et de discuter en ce cas si le débiteur doit être censé s'y être soumis: car celui qui commet un dol s'oblige, velit, nolit, à la réparation de tout le tort que ce dol causera; Molin. ibid. n. 155.

Par exemple, si un marchand m'a vendu une vache qu'il savait être infectée d'une maladie contagieuse, et qu'il m'ait dissimulé ce vice, cette dissimulation est un dol de sa part, qui le rend responsable du dommage que j'ai souffert, non seulement dans la vache même qu'il m'a vendue, et qui a fait l'objet de son obligation primitive; mais pareillement de ce que j'ai souffert dans tous mes autres bestiaux auxquels cette vache a communiqué la contagion; D.19.1.13: car c'est le dol de ce marchand qui m'a causé tout ce dommage46.

Pothier fait ainsi le lien avec la distinction médiévale entre interesse circa ipsam rem et interesse extra rem, tout en justifiant cette distinction par un lien à la notion-même de promesse. Le débiteur ne répond que de ce qu'il a promis, ce qui signifie qu'il répond de ce que qu'il a promis même implicitement, ce qui veut dire que le débiteur répond uniquement du dommage prévisible. Ce n'est ainsi qu'en cas de dol que le débiteur répond nécessairement au-delà de l'intérêt circa rem ipsam, pour assumer toutes les conséquences liées au dol, à savoir un delictum in faciendo comme le qualifie Paul de Castre.

 

3. La prévisibilité interprétée dans certains droits nationaux

Cette idée de la prévisibilité s'est ensuite concrétisée de manière différente en droit français, en droit belge, en droit suisse et en droit anglais.

(a) En droit français, l'art. 1150 CCfr. dispose que "[l]e débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée".47 L'essence même du contrat est ainsi respectée; on se fonde sur la prévisibilité du dommage du point de vue de celui qui s'engage par une promesse. En outre, lorsque "l'inexécution de la convention résulte du dol du débiteur", l'art. 1151 CCfr. limite alors les dommages et intérêts uniquement "à l'égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé", en n'imposant la réparation que de "ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention".

Pour déterminer le montant des dommages-intérêts, il faut ainsi déterminer si le débiteur pouvait prévoir le type de dommage et l'ampleur de ceux-ci. C'est bien la quotité du dommage (et non pas seulement sa nature) qui doit être prévisible48. Il faut ainsi non seulement pouvoir imaginer la survenance d'un préjudice plus ou moins spécifique, mais encore l'ampleur du dommage. Cette idée est liée à la modération dont on veut faire preuve en matière de dommages-intérêts, à l'instar de Justinien et sa limite des dommages intérêts au double de la valeur de la chose49. De même, Pothier déclarait pour les dommages extra rem, que "l'on doit user de modération, lorsqu'ils se trouvent excessifs, et l'on ne doit pas condamner le débiteur au-delà de la somme à laquelle il a pu penser qu'ils pourraient monter au plus haut"50.

Un arrêt de 1998 de la Cour de cassation française51 illustre bien cette idée de prévisibilité de la quotité du dommage: Au cours d'une escale, un couple qui participait à un voyage organisé en Italie se fit voler sa valise dans l'autocar. La valise contenait des bijoux d'une valeur supérieure à 200'000 francs français. La Cour d'appel condamne alors la société de transport à réparation. Appelée à se prononcer, la Cour de cassation commence par affirmer que la valeur du contenu d'une valise dépassant 200'000 francs français est généralement imprévisible pour une société de transport. En outre, ce n'est pas à cette dernière de se renseigner sur la valeur des bagages; un tel devoir reviendrait à renverser le fardeau de la preuve de l'obligation d'information.

La Cour nuance toutefois son point de vue; elle retient que dans le cas d'espèce le programme du voyage organisé permettait à la société de transport de prévoir que les voyageurs transporteraient des biens de valeur. Elle aurait dès lors pu imposer aux voyageurs d'en déclarer le prix. La société de transport doit ainsi réparer le dommage subi par ses clients, puisque la perte était prévisible.

En droit français donc, lorsque le transporteur ne peut pas prévoir que des montants importants sont contenus dans les valises qu'il transporte, il n'est tenu de réparer le dommage que jusqu'à concurrence de la valeur usuelle du contenu d'une valise de voyageur52.

L'approche française consiste ainsi à exiger la prévisibilité tant du principe que de la quotité du dommage.

Les exemples suivants montrent que de déterminer ce qui est prévisible dans un cas d'espèce n'est pas toujours simple: Des époux avaient pris le train à Saint-Nazaire pour se rendre à l'aéroport de Paris-Orly d'où ils devaient partir en voyage à Cuba. Suite à un problème technique, le train arriva en retard et empêcha le couple de se rendre à temps à l'aéroport. Le couple demanda alors à la SNCF la réparation de son dommage, à savoir le remboursement des frais de voyage et de séjour, des frais de taxis et de restauration, des billets de retour, ainsi qu'un tort moral. Le montant s'élevait à plus de trois mille euros au total.

La Cour d'appel a jugé qu'il est prévisible pour la SNCF de savoir que les voyageurs qu'elle transporte ne sont pas arrivés à leur destination finale lorsqu'ils atteignent la gare d'arrivée. Cela vaut d'autant plus pour les gares parisiennes qui sont proches des aéroports. La Cour de cassation a toutefois cassé cette décision. Dans un premier temps, elle semble argumenter en faveur d'une différence de nature entre les responsabilités contractuelle et délictuelle (responsabilité contractuelle qua exécution par équivalent), mais elle revient ensuite sur l'identité de nature des deux responsabilités53. Elle analyse dès lors dans quelle mesure le dommage était prévisible et finit par conclure par la négative. Ainsi, aux yeux de la Cour, ni le lieu d'arrivée du train, ni le nombre d'aéroports situés à Paris sont propres à rendre le dommage prévisible. Cela exclut dès lors toute réparation du dommage subi par le couple à la suite du retard, en raison principalement d'une interprétation stricte de la notion de prévisibilité54.

(b) Le Code civil belge de 1830 est la reprise du Code civil français, qui s'appliquait en Belgique depuis qu'elle fut française de 1797 jusqu'à l'indépendance en 183055. Néanmoins, la jurisprudence belge a souvent fait preuve d'indépendance, donnant parfois une dimension propre aux dispositions du Code.

La conception française présentée ci-dessus semble plus judicieuse que celle adoptée en droit belge. En effet, tout comme en droit français, l'art. 1150 CCbel. limite la réparation du dommage à ce que les parties avaient prévu ou qu'elles auraient pu prévoir au moment de la conclusion du contrat56. La Cour de cassation belge estime toutefois, contrairement à la Cour de cassation française, qu'il n'est pas nécessaire que la quotité du dommage ait été prévue ou puisse avoir été prévue57. En d'autres termes, si le type de dommage était prévisible, il doit être réparé, peu importe son étendue58. Ainsi, en cas de vol en cours de transport d'une valise contenant des objets coûteux (mais dont le propriétaire n'a pas fait mention), le dommage est considéré comme prévisible étant donné qu'il fait partie des risques typiques lors d'un transport. Le fait que l'étendue du dommage n'était pas prévisible (contenu insolite) n'est pas relevant pour la Cour de cassation belge. Dans l'exemple donné ci-dessus, le propriétaire de la valise pourrait ainsi obtenir une réparation jusqu'à concurrence de la valeur réelle du contenu de la valise, et non pas seulement pour la valeur usuelle du contenu d'une valise de voyageur59.

(c) À l'inverse des droits français et belge, le droit suisse ne connaît pas d'article fondant explicitement le principe de la prévisibilité du dommage. L'appréciation du type et de l'ampleur du dommage à réparer en cas de violation du contrat se fait à la lumière de l'art. 43 CO (par renvoi de l'art. 99 al. 3 CO). Toutefois, sous le régime de l'ancien Code fédéral des obligations, l'art. 116 a CO déterminait le dommage réparable en fonction de la prévisibilité. Le législateur n'a en fait jamais vraiment voulu renoncer à cette idée60.

Malgré l'absence de règles fondant l'idée de prévisibilité du dommage et de sa quotité, la jurisprudence suisse offre des exemples qui montrent que l'idée de prévisibilité est également appliquée en Suisse61: L'arrêt du 26 novembre 2003 du Tribunal fédéral suisse (la Cour suprême)62 ressemble beaucoup à l'arrêt de la Cour de cassation française présenté ci-dessus: Une personne s'était inscrite pour une "croisière musicale sur la Moselle" de quatre jours. Environ dix minutes après l'installation dans les cabines, le compagnon de la personne inscrite avait informé l'organisateur que la valise de celle-ci avait été dérobée; elle contenait selon elle des vêtements et des bijoux pour une valeur supérieure à Frs 100'000. La compagnie assurant ses bagages lui a ensuite versé un montant de Frs 8'000 pour la dédommager, montant correspondant à la valeur usuelle d'une valise et son contenu.

La personne dont la valise avait été dérobée avait actionné l'organisateur en paiement de dommages-intérêts pour Frs 153'190.15, en se fondant sur la responsabilité de l'organisateur de voyage au sens des art. 13ss de la Loi fédérale sur le voyage à forfait (LVF). En effet, en vertu de l'art. 14 LVF, l'organisateur de voyage est responsable envers le consommateur de la bonne exécution du contrat, même s'il n'a commis aucune faute. Il s'agit donc d'une responsabilité objective simple. L'art. 15 al. 1 let. a LVF prévoit toutefois que l'organisateur n'est pas responsable lorsque l'inexécution ou l'exécution imparfaite du contrat est imputable à des manquements du consommateur. Le Tribunal suprême cantonal (Tribunal cantonal de Schaffhouse) avait reproché un tel manquement au consommateur, en considérant qu'il n'avait pas avisé l'organisateur de la valeur particulièrement élevée de ses bagages. Pour la Cour, il s'agissait d'une faute grave en lien de causalité adéquate avec le dommage; elle a ainsi limité la réparation à la valeur usuelle du contenu d'une telle valise. La Cour cantonale a ainsi tenu compte d'une sorte de prévisibilité "objectivée" non seulement du type de dommage, mais également de son ampleur. On se retrouve alors dans une situation très proche de celle envisagée par la Cour de cassation française.

Le Tribunal fédéral suisse au contraire a relevé que d'après les propres indications de la voyageuse, rien ne laissait supposer que la valise contenait des choses de prix. L'organisateur ne pouvait pas non plus déduire du rapport juridique liant les parties que la valise renfermait des objets ayant la valeur alléguée en procédure, puisque le transport de la valise qui lui incombait constituait une obligation accessoire d'un contrat portant sur un voyage de quatre jours seulement. La voyageuse était donc tenue de veiller à ce que la valise ne soit pas manipulée comme un bagage ordinaire et devait attirer l'attention du défendeur sur son contenu spécialement précieux63. La Cour écarte toutefois l'effet de l'art. 15 al. 1er let. a LVF, considérant que seule une faute constituant une rupture du lien de causalité tombe sous le coup de cette disposition, ce qui n'est pas le cas de la faute reprochée à la voyageuse64.

Cette approche du Tribunal fédéral est peu satisfaisante. Non seulement elle implique une approche du tout ou rien, mais elle complique la situation si l'on entend tenir compte dans la réparation du dommage d'un devoir d'annonce spécifique. Pour le Tribunal fédéral toutefois, ce n'est pas l'ampleur du dommage réparable qui est envisagé, mais uniquement son lien de causalité adéquate avec les obligations découlant du contrat de voyage à forfait65.

Considérant qu'il n'y a pas rupture du lien de causalité adéquate, le Tribunal fédéral cherche toutefois à réduire le montant des dommages-intérêts en recourant à un principe général, concrétisé à l'art. 44 CO, qui permet de réduire l'indemnité en tenant compte de la faute concomitante de la voyageuse comme critère de réduction66.

Cette approche est ainsi plus complexe que celle qui consisterait à tenir compte de la prévisibilité de l'ampleur du dommage. La réduction du dommage pour faute concomitante (le fait de ne pas avoir rendu attentif l'organisateur de la valeur de sa valise) repose sur une nouvelle obligation d'aviser de circonstances particulières. Le Tribunal fédéral aurait pu moduler plus facilement l'ampleur de la réparation en fonction de la prévisibilité.

(d) Nous aurions pu toutefois adopter une analyse comparable en lien avec le droit anglais et l'évolution du principe de prévisibilité subjective posé par l'arrêt Hadley v Baxendale du 23 février 185467. Lord Hoffmann a souligné d'ailleurs avec justesse dans un arrêt de 2002 que:

The rules which delimit what one is liable for may consist of causal requirements or may be rules unrelated to causation, such as the foreseeability requirements in the rule in Hadley v Baxendale ... But in either case they are rules of law, part and parcel of the conditions of liability. once it is appreciated that the rules laying down causal requirements are ... creatures of the law, part of the conditions of liability, it is possible to explain their content on the grounds of fairness and justice in exactly the same way as the other conditions of liability68.

Ce principe de prévisibilité subjective se retrouve dans le monde anglo-américain également, puisque le Restatement (Second) of Contracts du droit américain (1981) prévoit une formulation assez proche de Hadley v Baxendale: "§ 351: Damages are not recoverable for a loss that the party in breach did not have reason to foresee as a probable result of the breach when the contract was made"69.

 

4. Pour ne pas conclure: Quelques pistes pour interpréter l'art. 161 CESL

Pour délimiter le dommage contractuel, le législateur européen a fait le choix de reprendre la notion de prévisibilité dans le projet de Droit commun européen de la vente (art. 161 CESL). Certes, contrairement au droit français et aux droits d'inspiration de droit naturel, le contrat n'est plus conçu comme un échange de promesses, mais plutôt comme un accord des manifestations de volontés. Toutefois, nous l'avons vu, même dans ce dernier cas, le recours à la prévisibilité peut répondre au besoin de tenir compte de la nature contractuelle des dommages-intérêts et permet de simplifier le raisonnement, le rendant plus souple.

Certes, l'art. 161 CESL n'est pas une nouveauté. Tant la Convention des Nations-Unies sur la vente internationale de marchandises (art. 74 CVIM; CISG) que les Principes Unidroit relatifs aux contrats du commerce international (art. 7.4.4 PICC70) prévoient une disposition similaire. Toutefois, contrairement au droit français et aux règles similaires, tous ces principes, de même que l'art. 161 CESL, ne distinguent pas la violation dolosive du contrat des autres cas de violation contractuelle; toutes sont soumises au régime de la prévisibilité.

Comme le montre l'analyse historique, cette conception méconnaît la nature différente d'une violation contractuelle dolosive des inexécutions non dolosives. Le débiteur qui viole ses obligations en commettant un dol dans le cadre d'un contrat ne sera tenu que pour le dommage qu'il a prévu ou aurait pu prévoir, conformément à l'art. 161 CESL, alors que le même comportement dolosif commis hors du cadre contractuel impose une responsabilité pour tout dommage en lien de causalité naturelle et, selon les systèmes, adéquate. La solution retenue par le CESL nous paraît dès lors paradoxale. Elle est toutefois largement le résultat d'une "codification" de principes ou de dispositions limitées au domaine contractuel.

Le jubilaire a montré combien il est important de tenir compte d'une approche du droit romain qui tienne compte des diverses influences historiques, en particulier grecques. C'est dans cet esprit, qui doit aussi prévaloir dans l'analyse du droit contemporain, que nous lui dédions le présent article.

 

 

* Nous tenons à remercier Arnaud Nussbaumer et Violaine Badoux, tous deux assistants à la Faculté de droit de Fribourg, pour l'aide apportée à la mise au point de l'appareil critique et la relecture du manuscrit.
1 Le projet a été adopté par 416 voix contre 159, avec 65 absentions; pour le débat, cf. http//www.europarl.europa.eu/ep-live/en/plenary/video?debate=1393400231296 (dernière visite: 25 mars 2014); cf. European Commission, Mémo du 26 février 2014, "Optional European Sales Law Receives Strong Backing by the European Parliament", http//www.google.ch/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd =1&ved=0CCgQFjAA&url=http%3A%2F%2Feuropa.eu%2Frapid%2Fpress-release_MEMO-14-137_en.pdf&ei=JLgeU9nxOuSd7gayqYGwAQ&usg=AFQjCNEsNWmJ5Ml CggsM8N3PugBjo80fXQ&cad=rja (dernière visite: 25 mars 2014).         [ Links ]
2 Proposition de Règlement du Parlement Européen et du Conseil relatif à un droit commun européen de la vente, COM(2011)0635 final - 2011/0284 (COD).
3 Le "Report on the Proposal for a Regulation of the European Parliament and of the Council on a Common European Sales Law" du 24 septembre 2013 (A7-0301/2013; PE505.998v03-00) est long de 256 pages et contient 264 modifications formelles du projet de Règlement et de l'annexe (le texte du CESL).
4 Cf. la présentation du rapport de la commission des affaires juridiques: http//www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/content/20130916IPR20025/html/Common-European-Sales-Law-backed-by-legal-affairs-MEPs (dernière visite: 25 mars 2014).
5 Cf. le rapport final du 24 septembre 2013 tel que voté par le Committee on Legal Affairs, préparé par Klaus-Heiner Lehne et Luigi Berlinguer, en collaboration avec le Committee on the Internal Market and Consumer Protection (COM(2011)0635? - C7-0329/2011 - 2011/0284 - (COD)): http//www.europarl.europa.eu/committees/fr/juri/subject-files.html?id=20121023CDT54280_(dernière visite: 25 mars 2014); la proposition de résolution législative a été par 19 voix pour, 3 voix contre, et 2 abstentions. Les négociateurs de la commission ont reçu un mandat pour débuter les pourparlers avec les ministres européens (cf. communiqué de presse: http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-%2f%2fEP%2f%2fTEXT%2bIM-PRESS%2b20130916IPR20025%2b0%2bDOC%2bXML%2bV0%2f%2fFR&language=FR (dernière visite: 25 mars 2014).
6 La détermination peut être consultée sur la page: "Statement of the European Law Institute on the Proposal for a Regulation on a Common European Sales Law COM(2011)635 final": http//www.europeanlawinstitute.eu/fileadmin/user_upload/p_eli/Publications/S-2-2012_Statement_on_the_Proposal_for_a_Regulation_on__a_Common_ European_Sales_Law.pdf (dernière visite: 25 mars 2014).
7 Il s'agit du régime juridique de chacun des Etats-membres, mais le Royaume-Uni compte trois régimes distincts (droit anglais, droit écossais, droit irlandais).
8 Le rapport de la Commission (cf. supra n. 3) insiste sur ce point (p. 42, amendement 73).
9 Sur l'enjeu de savoir quand et comment les consommateurs pourront utiliser ce CESL, cf. not. Th. Ackermann/J.-U. Franck, Defects in Consent: An Assessment on Chapter Five of the Proposal for a Common European Sales Law, European Review of Contract Law, Volume 8, Issue 2, Juin 2012, pp. 113ss; P. Pichonnaz, Le droit européen des contrats s'écrit-il à Bruxelles?, Revue de la Faculté de droit de l'Université de Liège 1 (2013), pp. 89ss; cf. ég. communiqué de presse: http//www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-%2f%2fEP%2f%2fTEXT%2bIM-PRESS%2b20130916IPR20025%2b0%2bDOC%2bXML%2bV0%2f%2fFR&language=FR (dernière visite: 25 mars 2014).
10 Pour tous les autres, J.-F. Gerkens, Droit privé comparé, Bruxelles 2007, p. 173.
11 Art. 1.107 Code civil espagnol.
12 Hadley v Baxendale (1854) 9 Ex 341, 156 ER 145.
13 D. Medicus/S. Lorenz, Schuldrecht I, Allgemeiner Teil, Munich 2010, n. 638;         [ Links ] P. Tercier/P. Pichonnaz, Le droit des obligations, Genève/Zurich/Bâle 2012, n. 1225.         [ Links ]
14 Cf. sur ce texte, H. Honsell, Quod interest im bonae-fidei-iudicium, Studien zum römischen Schadensersatzrecht, Munich 1969, pp. 7ss; D. Medicus, Id quod interest, Studien zum römischen Recht des Schadenersatzes, Cologne-Graz 1962, pp. 35ss;         [ Links ] R. Zimmermann, The Law of Obligations. Roman Foundations of the Civilian Tradition, Cape Town/Wetton/Johannesburg 1990, pp. 830s.         [ Links ]
15 B. Keuk, Vermögensschaden und Interesse, Bonn 1972, pp. 184s.         [ Links ]; contra B. Kupisch, Id quod interest bei Nichterfüllung und Verzug des Verkäufers, TvR 43 (1975), pp. 8ss, en part. p. 35; sur ce texte, voir ég. M.J. Schermaier, §§ 280-285, in: M. Schmoeckel/J. Rückert/R. Zimmermann (édit.), Historischkritischer Kommentar, vol. Schuldrecht: Allgemeiner Teil, §§ 241-304, Tübingen 2007, §§ 280285, n. 47, p. 1226; Honsell, (n. 14), pp. 7ss; Medicus, (n. 14), pp. 35ss.
16 D. 19.1.1 pr (Ulp., lib. 28 ad Sab.): "Si res vendita non tradatur, in id quod interest agitur, hoc est quod rem habere interest emptoris: Hoc autem interdum pretium egreditur, si pluris interest, quam res valet vel empta est. "; cf. ég. pour l'éviction dans la vente, D. 19.1.30.1 (Afr., lib. 8 Quaest: "quanti mea intersit meam esse factam"); pour la garantie pour les défauts, D. 21.2.31 (Ulp., lib. 42 ad Sab. : "Hoc enim continere, quod interest horum quid esse vel horum quid non esse"); cf. ég. N. Jansen, §§ 249-253, 255, in: Schmoeckel/Rückert/Zimmermann (édit.), (n. 15), §§ 249-253, 255, n. 8, p. 523; Schermaier, (n. 15), n. 47ss, pp. 1225ss.
17 Mise en évidence de notre fait; sur ce texte, cf. not. MEDICUS, (n. 14), pp. 266s.
18 D. 19.1.31 pr-1 (Ner., lib. 3 Membr.): "Actiones autem eas non solum arbitrio, sed etiam periculo tuo tibi praestare debebo, ut omne lucrum ac dispendium te sequatur. 1. Et non solum quod ipse per eum adquisii praestare debeo, sed et id, quod emptor iam tunc sibi tradito servo adquisiturus fuisset"; sur ce texte not. HONSELL, (n. 14), pp. 18s.
19 Sur ce texte, not. HONSELL, (n. 14), pp. 168s.
20 Sur le manque à gagner de manière générale cf. not. K.-H. Below, Die Haftung fur lucrum cessans im römischen Recht, Munich 1964.
21 Cf. avant tout Schermaier, (n. 15), n. 47, p. 1225; déjà Medicus, (n. 14), pp. 294ss; Honsell, (n. 14), pp. 174s; KUPISCH, (n. 15), p. 1.
22 La mise en évidence est de notre fait.
23 Sur ce texte, cf. récemment et parmi d'autres L. Solidoro Maruotti, (D. 19.1.13pr.): vizi di fatto, vizi di diritto e reticenza del venditore, Fides humanitas ius, Naples 2007, pp. 5269ss: "Si vero sciens reticuit et emptorem decepti"; ég. N. Donadio, La tutela del compratore tra actiones aediliciae e actio empti, Milan 2007, p. 271, n. 53 et la vaste littérature citée sur ce texte, ainsi que pp. 294ss; de même que N. Donadio, Garanzia per i vizi della cosa e responsabilità contrattuale, Kaufen nach Römischen Recht, Berlin/Heidelberg 2010, pp. 61ss, en part. pp. 67s.
24 P. Pichonnaz, L'obligation de réparer issue du contrat: réflexions diachroniques à propos de l'art. 208 CO, RIDA 58 (2011), pp. 297ss,         [ Links ] en part. p. 300.
25 Idem p. 300.
26 Cf. D. 19.4.1 (Paul., lib. 32 ad ed.).
27 Cf. pour tous les autres Medicus, (n. 14), pp. 129s.; Honsell, (n. 14), pp. 83ss, en part. p. 93.
28 En matière de vente, cf. Paul, D. 19.4.1; ég. l'actio de dolo, not. U. Elsener, Les racines romanistes de l'interdiction de l'abus de droit, Bâle/Bruxelles 2004; ou sur l'exceptio doli, pour tous les autres, S. Abbet, De l'exceptio doli à l'interdiction de l'abus de droit, Zurich 2006; P. Pichonnaz, Les fondements romains du droit privé, Genève/Zurich/Bâle 2008, n. 2173; H. Honsell, Römisches Recht, Heidelberg 2010, pp. 45s.
29 Cf. not. Schermaier, (n. 15), n. 48, p. 1227; Medicus, (n. 14), pp. 288ss; Honsell, (n. 14), p. 89; K.-H. Schindler, Justinians Haltung zur Klassik, Versuch einer Darstellung an Hand seiner Kontroversen entscheidenden Konstitutionen, Cologne-Graz 1966, pp. 259ss; Zimmermann, (n. 14), p. 828.
30 Cf. D. 19.1.44 (Afr., lib. 8 Quaest.).
31 Cf. pour tous les autres, H.U. Kantorowicz, Studies in the Glossators of the Roman Law: Newly Discovered Writings of the Twelfth Century, Cambridge 1938 (réimpr. avec ajouts par Peter Weimar, Aalen 1969), p. 90.         [ Links ] La distinction a été reprise dans Summa Trecensis 7.31 (von H. Fitting, Summa codicis des Irnerius, Berlin 1894, pp. 250ss).
32 Cf. E. Schrage, Die verschuldensunabhängige Haftung des Vermieters, in: Studies in Law and Economics (Studia PrawnoEkonomiczne) 83 (2011), pp. 191-203, en part. p. 198.         [ Links ]
33 Fitting, (n. 31), passim; cf. Schermaier, (n. 15), n. 51, p. 1228; H.J. Wieling, Interesse und Privatstrafe vom Mittelalter bis zum bürgerlichen Gesetzbuch, Cologne/Vienne 1970, pp. 30s.         [ Links ]
34 Sur la Summa Trecensis, cf. pour tous les autres Kantorowicz, (n. 31), pp. 146ss; v. H. Lange, Römisches Recht im Mittelalter, Glossatoren, vol. 1, Munich 1997, p. 405;         [ Links ] ég. A. Gouron, L'auteur et la patrie de la Summa Trecensis, Jus commune 12 (1984), pp. 1ss, p. 37,         [ Links ] qui retient que la première version (qui ne nous est pas parvenue) aurait été rédigée vers 1135, la deuxième vers 1140 et la troisième vers la fin des "années quarante". Sur le processus d'élaboration, cf. en outre A. Gouron, L'élaboration de la "Summa Trecensis", in: Sodalitas, Scritti in onore di Antonio Guarino, t. 3, Naples 1985, pp. 3681-3696 (réimpr. in: A. Gouron, Etudes sur la diffusion des doctrines juridiques médiévales, Londres 1987, n. IV).         [ Links ]
35 Distinctio interesse quandoque, n. 2 (Fitting, (n. 31), p. 251).
36 H. Dilcher, Die Theorie der Leistungsstörungen bei Glossatoren, Kommentatoren und Kanonisten, Francfort-sur-le Main 1960, p. 126.         [ Links ]
37 Apparemment contra Schermaier, (n. 15), n. 51, pp. 1228s.
38 T. Wallinga (édit.), The "Casus Codicis" of Wilhelmus de Cabriano, pp. 547-548.
39 Idem, pp. 547-548, ad C. 7.41.1.
40 P. de Castro, In secundam Digesti veteris partem Commentaria, ad § Cum per venditorem, Venitiis 1582, p. 123 recto et verso.
41 Ph. Le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, Paris 2008, n. 1036; J. Flour/J.-L. Aubert/E. Savaux, Droit civil, Les obligations, 3. Le rapport d'obligation, Paris 2009, n. 218.
42 R.-J. Pothier, Traité des obligations, Paris 1821, n. 166, pp. 145s; nous utilisons ici l'édition de 1821 des Œuvres complètes de Pothier (nouvelle éd.), Paris (impr. de P. Didot, l'Aîné).
43 Idem, n. 160, p. 135 (La mise en évidence est de notre fait).
44 Idem, n. 161, pp. 135s. (La mise en évidence est de notre fait).
45 Ch. Dumoulin (Molinaeus), Tractatus de eo quod interest, 1574, n. 60.
46 Mises en évidence de notre fait.
47 La mise en évidence est de notre fait.
48 C.-E. Bucher, L'inexécution du contrat de droit privé et du contrat administratif, Paris 2011, n. 391;         [ Links ] F. Terré /Ph. Simler/Y. Lequette, Droit civil, les obligations, Paris 2009, n. 564;         [ Links ] Ph. Malaurie/L. Aynès/Ph. Stoffel-Munk, Les obligations, Paris 2011, n. 964.         [ Links ]
49 C. 7.47.1.1 (Iust., a. 530 ap. J.-C.): "hoc interest dupli quantitatem minime excederë"; pour une présentation, cf. P. Pichonnaz, L'obligation de réparer issue du contrat - réflexions diachroniques à propos de l'art. 208 CO, in: P. Gauch/J.-B. Zufferey/J. Dubey/A. Previtali (édit.), L'Homme et son droit - Mélanges en l'honneur de Marco Borghi, Zurich 2011, p. 403;         [ Links ] Schermaier, (n. 15), Vor § 275, n. 48 et les références.
50 Pothier, (n. 42), n. 165, p. 144.
51 Cass. 1ère Civ., 3 juin 1998, n de pourvoi 95-16887, Bull. civ. VI, n. 199, pp. 137ss.
52 Terré/Simler/Lequette, (n. 48), n. 564; Le Tourneau, (n. 41), n. 1036.
53 M. Bacache, Le dommage prévisible: exécution par équivalent du contrat ou responsabilité contractuelle?, in: Recueil Dalloz 2011, pp. 1725ss.
54 Ibid.
55 Gerkens, (n. 10), p. 96.
56 P. Wéry, Droit des obligations: Théorie générale du contrat, vol. 1, Bruxelles 2010, n. 560.
57 Idem, n. 560.
58 Idem, n. 554.
59 Ibid.
60 Cf. H.-U. Brunner, Die Anwendung deliktsrechtlicher Regeln auf die Vertragshaftung, th. Fribourg 1991, n. 248ss.
61 Sur ce qui suit, cf. not. P. Pichonnaz, Le dommage contractuel et la question de la prévisibilité, De la spécificité de la violation contractuelle, in: F. Werro/P. Pichonnaz (édit.), Le dommage dans tous ses états, Sans le dommage corporel ni le tort moral, Colloque du droit de la responsabilité civile 2013, Berne 2013, pp. 37ss.
62 ATF 130 III 182, JdT 2005 I 3.
63 ATF 130 III 182, c. 5.3.
64 ATF 130 III 182, c. 5.4, qui cite ég. ATF 127 III 453/457, c. 5d, JdT 2002 I 219*; ATF 123 III 306/314, c. 5b, JdT 1998 I 27*; ATF 121 III 358, c. 5, JdT 1996 I 66, c. 5; ATF 116 II 519/524, c. 4b, JdT 1991 I 634/640, c. 4b.
65 ATF 130 III 182/188, c. 5.4.
66 ATF 130 III 182/189, c. 5.5.1.
67 Hadley v Baxendale (1854) 9 Ex 341, 156 ER 145: "[T]he damages which the other party ought to receive in respect of such breach of contract should be such as may fairly and reasonably be considered either arising naturally ... from such breach of contract itself, or such as may be supposed to have been in the contemplation of both parties, at the time they made the contract, as the probable result of the breach of if (per Alderson, B.).
68 Fairchild v Glenhaven Funeral Services Ltd, [2002] UKHL 22 (20 juin 2002), [2002] 3 All ER 305, [2003] AC 32, per Lord Hoffmann, n. 54 (la mise en évidence est de notre fait).
69 Restatement (Second) of Contracts § 351 (1981).
70 "Le débiteur est tenu du seul préjudice qu'il a prévu, ou qu'il aurait pu raisonnablement prévoir, au moment de la conclusion du contrat comme une conséquence probable de l'inexécution."

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