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Tydskrif vir Letterkunde

versión On-line ISSN 2309-9070
versión impresa ISSN 0041-476X

Tydskr. letterkd. vol.53 no.1 Pretoria  2016

http://dx.doi.org/10.4314/tvl.v.53i1.5 

RESEARCH ARTICLES

 

La 'mutilation anthropologique' et le réalignement de la littérature camerounaise Cilas Kemedjio

 

'Anthropological mutilation' and the reordering of Cameroonian literature

 

 

Cilas Kemedjio

Frederick Douglass Professor of French and Francophone Studies and Director of the Frederick Douglass Institute for African and African-American Studies at the University of Rochester, NY, USA. Email: cilas.kemedjio@rochester.edu

 

 


ABSTRACT

I argue in this article that the postcolonial existential wound, otherwise referred to by Eboussi Boulaga as the anthropological mutilation, represents the intertextual nexus that bridges the generational gap in Francophone Cameroonian literature. The tragic malaise, rooted in absurdity and the dire state of the postcolonial condition, echoes anxieties expressed by earlier generations of Cameroonian writers in the 1950s about engaged literature. The article is therefore an exercise in detecting commonalities and discontinuities that weave a shared national literary tradition. Among the commonalities, the presence of jazz, the writing of the anticolonial struggle stand out while innovations are to be found in the epidemic manifestation of madness and the disintegration of the basic social fabric visible in the form of incest.

Keywords: Cameroonian literature, Francophone literature, national literary tradition


 

 

À la réunion annuelle de l'African Literature Association organisée à l'Université du Vermont en 2009, j'ai organisé deux sessions intitulées "Mutilation anthropologique et blessure existentielle: traversées intergénéra-tionnelles de la littérature camerounaise". Les sessions qui réunissaient entre autres Frieda Ekoto, Gilbert Doho, Juliana (Makuchi) Nfah-Abbenyi, Célestin Monga, Ambroise Kom et Nathalie Etoke reflétaient ce que je détectais comme le mal-être qui transparaissait des nouvelles écritures camerounaises. La présence de Makuchi dans la présente analyse qui porte sur les récentes mutations dans l'écriture francophone s'explique par le fait qu'elle a participé à ces conversations du Vermont. Les sessions du Vermont étaient elles-mêmes le produit de mon travail sur Mongo Beti, mais aussi des lectures des textes camerounais. Les mutations esthétiques et thématiques qui reconfigurent les trajectoires de la "mutilation anthropologique" dans l'imaginaire camerounais représentent à cet effet une hypothèse de travail qui peut correspondre à la sensibilité de telle écrivaine ou de tel critique. La focalisation pour ainsi dire obsessionnelle des écrivains de la Créolité est au principe de l'élévation de la "blessure linguistique"1en paramètre incontournable dans la formulation d'une théorie de la littérature antillaise. J'avais aussi suggérer aux écrivains de se situer dans les traversées intergé-nérationnelles qui se déroulaient dans le champ littéraire camerounais. La première session rassemblait les écrivains qui méditeront leur pratique d'écriture et la deuxième session se concentre sur la critique. Le présent papier rassemble les notations et réflexions nées de ces rencontres du Vermont.

La "mutilation anthropologique" désigne ici le mal-être du vécu camerounais. J'emprunte cette expression au philosophe Fabien Eboussi Boulaga qui y voit la un ensemble de pratiques et de discours destinés à faire basculer la société dans la déshumanisation:

Tous les régimes et les formes de pouvoir fondés sur la violence et l'arbitraire qui cherche une introuvable légitimité recourent aux magies du pouvoir et à ses rituels archaïques et cruels, qui comprennent des transgressions tournant autour de la destruction des identités familiales, généalogiques et des interdits fondateurs d'humanité: inceste, anthropophagie, viols et meurtres, parricides, etc. (Eboussi Boulaga, Lignes de résistance 21).

Elle prend la forme de la folie, du viol incestueux ou de l'enfance abandonnée. L'épidémie des transgressions banalisées contribuent à la destruction du lien social le plus basique. La "mutilation anthropologique" désigne la normalisation des pratiques et des discours qui contribuent au délitement du tissu social. Je suggère dans la présente contribution que la blessure postcoloniale, que le philosophe Eboussi Boulaga appelle "mutilation anthropologique", représente le lien intertextuel à travers lequel une littérature francophone devient possible dans l'espace camerounais. Je concède à Richard Bjornson que la génération des écrivains des années 1960 se démarque déjà de la "unifying cause of anticolonialism" (Bjornson 211). Pour ces écrivains, la littérature offre un "vehicle for the expression of highly personalized views of the world" (211). Selon Bjornson, cette nouvelle orientation s'explique par plusieurs facteurs, au rang desquels la nature solitaire de l'acte d'écrire et la peur de la censure gouvernementale dans inhérente à tout régime autoritaire. François Minyono-Nkodo remarque aussi cette évolution d'une "littérature qui avait valeur de manifeste pour la défense et l'illustration de la cause de l'Afrique et des Africains à une littérature existentielle, en tout cas sevrée d'idéologie" (Minyono-Nkodo 118). Minyono-Nkodo et Bjornson concluent que l'abandon de l'imaginaire politique correspond à un désespoir tragique qui, malgré la faillite morale de la société, représente un "decidely utopian strain" (Bjornson 237). La mutilation anthropologique émerge dans cette impasse morale qui se double d'une pauvreté matérielle aux effets dévastateurs. La blessure existentielle constitue le phénomène le plus remarquable des trois dernières décennies qui enregistre un renouvellement tant des écrivains que des thématiques de la littérature francophone.

Les innovations thématiques sont perceptibles dans les derniers romans de Mongo Beti, le désespoir tenace des romans de Calixte Beyala, la suite africaine de Léonora Miano et l'oeuvre de Patrice Nganang, véritable exposé de la blessure existentielle postcoloniale. Nganang déroule une oeuvre qui plonge autant dans l'histoire coloniale du Cameroun que dans la misère urbaine des bidonvilles de Yaoundé. La blessure postcoloniale, tout en se faisant l'écho du désespoir tragique évoqué par Bjornson et Minyono-Nkodo, n'ouvre sur aucune trace d'utopie. Elle s'enracine dans l'absurdité et la situation intenable du vécu de la société camerounaise. Le "cri du peuple africain", pour emprunter le titre de l'ouvrage de Jean-Marc Ela, se fait l'écho de ce suicide collectif entrepris sous le regard d'un "pouvoir politique anthropophage" (Monga 63). Francis Nkeme saisit ce triomphe de la logique de la mort dans son roman Le Cimetière des bacheliers. La destruction du lien social est au principe de la désintégration de la fabrique communautaire. Je commence l'analyse de cette blessure postcoloniale en explorant l'inceste et la folie dans l'Histoire du fou de Mongo Beti, la Mémoire amputée de Werewere Liking et Contours du jour qui vient de Miano. La folie et l'inceste participent du réalignement du champ littéraire camerounais. Négations radicales l'une de la rationalité et l'autre du lien social qui sont au principe même de la dignité humaine, la folie et l'inceste posent la question de l'urgence d'une écriture de la mutilation anthropologique. Cette urgence, qui n'est pas sans rappeller les angoisses exprimées par les générations antérieures d'écrivains sur la question de la littérature engagée par exemple, conduit le critique à détecter autant les lieux communs que les ruptures qui structurent une tradition littéraire en constitution. Les rythmes du jazz, dans le roman de Miano, témoigne d'une pratique esthétique qui revendique l'oeuvre totémique de Mongo Beti comme fondatrice. Miano ne signale pourtant sa dette que pour ouvrir de nouveaux chemins dans le dialogue avec les rythmes de la diaspora. Dans la même perspective, la conscience nationaliste continue d'être l'un des points de convergence dans l'articulation d'un projet postcolonial, notamment dans l'écritrue de la résistance anticoloniale. La conversation entre Mongo Beti et Miano devient, dans le cas de la mémoire anticoloniale, malaisée. Miano contribue, comme je vais le montrer, à pousser la mémoire anticoloniale davantage dans les marges. Miano est victime de l'écriture dominée par la mémoire du colonisateur. Gilbert Doho cherche précisément à restaurer la mémoire amputée en faisant recours aux archives de l'oralité. Le retour de l'oralité, à travers les sons de la diaspora et les souvenirs refoulés, représente l'une des surprises esthétiques de l'écriture de la mutilation anthropologique.

 

La littérature camerounaise et ses mutations

Richard Bjornson, dans The African Quest for Freedom and Identity Cameroonian Writing and the National Experience (1991) soutient que les concepts de la liberté et de l'identité sont au coeur de l'écriture camerounaise. Pour Bjornson, ces deux termes sont déterminants dans la quête inachevée de l'indépendance qui domine les oeuvres de Mongo Beti, Ferdinand Oyono, René Philombe et Louis-Marie Pouka. La vieille garde de la littérature francophone a tiré sa révérence de la scène, avec la mort de Mongo Beti, Philombe et Oyono au cours de la dernière décennie. Au coeur de la production littéraire de cette vénérable génération se trouve une dimension éthique. L'éthique de l'écriture transparaît dans la représentation de la souffrance du peuple-martyr. En écho à ce martyre, les écrivains élèvent une stèle aux activistes des luttes anticoloniales. Le Bal des caïmans, premier roman de Yodi Karone retrace les derniers soubressauts de la résistance camerounaise à travers le parcours mouvementé de deux militants stoppés dans leur dernier assaut contre le néocolonialisme. Le roman écrit les dernières lignes d'une fresque commencée par Mongo Beti dans Main basse sur le Cameroun, Remember Ruben et La Ruine presque cocasse d'un polichinelle et plus recemment revisitée dans l'Histoire du fou. Adrien, dans le Bal des caïmans de Yodi Karone, est cet "homme pour qui la vie n'a de sens que dans la lutte contre la quotidienne misère ; pour qui toucher l'injustice du doigt sans pouvoir se laver est un déshonneur; pour qui se révolter, parce que désespéré par la méchanceté d'une administration, est un devoir de conscience" (Karone 161-2). On pourrait se demander si on assiste, avec un personnage tel qu'Adrien, aux derniers soubressauts du roman politique ou alors à l'inauguration d'une nouvelle forme d'imaginaire politique. La raréfaction des sujets politiques dans les nouvelles écritures donnerait quelque crédit à la première supputation. La mort de Mongo Beti marque de manière symbolique la fin de l'ère où le roman camerounais était saturé par la revendication politique. Et même si on prenait l'auteur de Remember Ruben comme modèle de cette focalisation sur le politique, on pourrait noter que ses derniers romans sonnent davantage comme un clairion de la retraite. Dans l'Histoire du fou, le vieux Zoaételeu, qui a souffert les affres de la colonisation, de la néocolonisation et du parti unique, annonce sa retraite et passe le flambeau aux nouvelles générations. l'Histoire du fou fermerait ainsi le cycle commencé il y a plus d'un demi-siècle dans Ville cruelle. Mongo Beti proclame par ailleurs que l'Union des Populations du Cameroun, porte-flambeau de la revendication anticolonialiste, a accompli sa mission qui était la libération du Cameroun (Beti, "L'UPC et ses avatars" ; Kemedjio, Mongo Beti). Les romans qui reviennent sur le politique représenteraient davantage les derniers soubressauts d'une ère en voie de décadence. Les survivances du politique seraient peut-être une mutation de la représentation. L'épopée collective qui alimente la prose de Mongo Beti se raconte désormais, chez Doho ou Liking se raconte à la première personne. La biographie collective devient personnelle voire intimiste comme dans le cas de Liking. La figure du mal, longtemps incarnée par les pouvoirs coloniaux ou néocoloniaux, se démocratise ou alors se privatise. La démocratisation produit une écriture de l'autodestruction collective pendant que la privatisation ramène la violence dans la famille.

Lydie Moudileno note que contrairement à la réticence des premiers écrivains francophones à s'engager dans une exploration du corps, les nouvelles generations inscrivent de manière explicite le corps dans l'expérience vécue de l'univers post-colonial. Les romancières se démarquent par des récits "articulant des subjectivités féminines informées par l'expérience du corps féminin" (Moudileno 6). L'écriture de la souffrance se manifeste par une esthétique qui, pour la première fois dans le roman camerounais et peut-être africain, s'émancipe des tabous pour donner le corps à voir dans toute sa matérialité. Le graphisme des notations sur la misère n'a d'égal que la représentation de la sexualité qui voisine souvent la pornographie. L'écriture, comme on l'observe dans Femme noire, femme nue, devient le laboratoire d'une véritable dérégulation des normes sexuelles. Le roman érotique met en scène des orgies et toutes formes d'expérimentation sexuelle qui soumettent les hommes comme les femmes aux seules injonctions du plaisir. La performance érotique semble soustraire l'acte sexuel des lois de la productivité qui enchaînent les personnages dans la prostitution, la nationalisation des utérus ou les avortements clandestins. Le "désordre cataclysmique" (Femme nue 31) que le principe du plaisir introduit dans la planète de la sexualité s'accompagne d'une remise en cause des normativités sexuelles.

Beyala remet en cause les conservative cultural orthodoxies qui sont au principe de la censure de la sexualité dans les productions culturelles africaines. Selon cet ordre moral, "the act of displaying sexual organs stems from pornography, which is considered a Western practice" (Tcheuyap 190). L'irruption de la sexualité dans les films africains participe ainsi d'une stratégie de revendication de l'initiative "through unrestricted and uncensored sexual pleasure" (Tcheuyap 200). L'émergence de la femme comme maîtresse de son corps se fait au détriment du vieil ordre patriarcal, qu'il soit incarné l'État défaillant ou des patriarches impotents: "The discourse of the decadent nation and corrupt administration is represented in terms of a flawed sexuality" (Tcheuyap 186). L'amant volage de Tu t'appelleras Tanga est non seulement handicapé, mais il souffre du syndrome de l'éjaculation précoce. Le phallus défaillant écrit l'histoire de la faillite de la bourgeoisie nationaliste et consommatrice.

Le destin chuchoté du personnage de Frieda Ekotto témoigne de cette évolution: Siliki aimait les femmes, et un de ses oncles qui soupçonnait ce penchant avait fait en sorte de surprendre ses ébats avec son amie. Siliki avait dû confesser sa faute, devant toute la famille. Il avait décidé qu'on ne pratiquerait pas l'ablation du clitoris, châtiment prescrit par la tradition dans de tels cas. On était moderne désormais. Les petites coupures valaient mieux que cette mutilation. Alors Siliki avait été vendue à un trafiquant. (Ekotto 60)

Le récit d'Ekotto fait partie de la bibliothèque camerounaise comme elle l'a si bien affirmé lors de son intervention au Vermont. Le critique attentif notera avec intérêt que le roman apparaît au moment où l'homophobie de la société camerounaise explose et se transforme en une sorte de lynchage public des présumés homosexuels. Les historiens de la culture apporteront la lumière sur les conditions de possibilité qui permettent l'émergence d'un épistemé de l'imaginaire intellectuel et littéraire sur la question de l'homosexualité. Pour l'instant, il convient de remarquer que la déregulation des normes de la sexualité s'inscrit dans un vaste mouvement de désintégration du tissu social.

 

La désintégration du lien social

Le roman camerounais enregistre une déconstruction maximale du lien communautaire, de l'inceste chez Beyala et Liking au cannibalisme dans l'Intérieur de la nuit de Miano. Les fantômes de terreur inventés par l'imagination populaire occupent une place importante dans l'univers fantastique de Liking: "La peur enfantait la haine, haine de l'autre, témoin de notre peur, de notre honte, symbole de la conscience de notre dégradation, de notre humiliation, une conscience qu'on avait décidé de noyer" (Liking, Orphée Dafric 22). Les légendes maléfiques du Kong, du Fam-laa ou du Mont "koupé", symboles de la zombification, s'intègrent dans la dénonciation d'une société où "tout le génie créateur était voué aux maléfices, à la destruction, à l'auto-destruction" (Liking, Orphée Dafric 21). Liking questionne l'impasse d'une communauté qui "avait décidé d'en finir dans le suicide collectif" (Liking, Orphée Dafric 20). L'oeuvre de Beyala est une anthologie de "l'entaille sanglante de l'enfance mutilée" (Tanga 25). La cruauté des "mères dévorantes" transparaît dans toute son horreur. Kalissa évoque une "community that is killing its own children" (Kalissa 82) dans une "monstrous African city where life is harsh for the underprivileged class" (D'Almeida 72). La "cité rapace qui mange ses enfants" (Dussault 32) reproduit le geste de la famille "qui dévore ses enfants et les livre à la prostitution (Dussault 34). Brière fait état des enfants dévorés par des mères cannibales. Elle attire toutefois notre attention sur le fait que les mères dévorantes sont elles-mêmes dévorées par des forces sociales toujours plus puissantes. La mère de Tanga illustre parfaitement ce scénario. Elle affame ses enfants afin de nourrir son amant qui établit une équivalence entre elle et la viande qu'elle a préparée pour lui. L'amant met ainsi en place une infrastructure métaphorique qui autorise l'éventuelle cannibalisation de la mère de Tanga. Son mari volage et abusif l'humilie par ses nombreuses liasons extra-conjugales. Symbole d'un patriacat impotent et parasitique, il finit par prendre sa propre fille comme cible de sa consommation patholique des plaisirs sexuels:

Ainsi de l'homme mon père, qui, plus tard, non content de ramener chez ses maîtresses chez nous, de les tripoter sous l'oeil dégouté de ma mère, m'écartela au printemps de mes douze ans, ainsi de cet homme, mon père qui m'engrossera et empoisonnera l'enfant, notre enfant, son petit-fils, cet homme ne s'apercevra jamais de ma souffrance et pourtant cette souffrance a duré jusqu'au jour de sa mort, jusqu'au jour de ma mort. (Tanga 46)

Les fruits de l'inceste prolifèrent comme toute fleur du mal. L'inceste, dans la Mémoire amputée, appelle une purification rituelle qui passe par la copulation forcée avec un chien, sous les yeux de la communauté. L'animalisation de la coupable se lit comme un moyen de rédemption de son âme déshumanisée. Elle peut à nouveau prendre sa place dans la société des humains: "cette fille a été convaincue d'inceste. En couchant avec son frère, elle s'est comportée comme une chienne et c'est normal qu'on la fasse coucher avec un chien publiquement" (Liking, Mémoire 125). Le père de Petite Halla, l'héroïne de la Mémoire amputée, est violée par son père. Ce dernier ne sera jamais démasqué: "Son regard est aussi vide que si rien de tout cela n'avait jamais existé. D'ailleurs, aujourd'hui, j'en suis certaine: il y était parvenu. Phénoménal, cette force de l'oubli. Les traumatisés, ce sont les gens qui portent mal le voile de l'oubli" (Liking, Mémoire 195)." La transgression demeure impunie. Le rituel de purification n'aura pas lieu. Autre temps, autre zoophilie: la prostituée couche avec un chien contre des espèces sonnantes et trébuchantes. Elle devient, dans le dispositif narratif mis en place par le texte de Liking, une chienne. Selon la grammaire du rituel réparateur évoqué plus haut, elle s'auto-exclut de la race humaine. La zoophilie rituelle est devenue profane. La prostitution avec des chiens permet à la prostituée du récit de Liking de survivre face à la pauvreté. Le père incestueux adpote l'amnésie comme "système de survie" (Liking, Mémoire 20). L'impunité de la faute signale que la société n'a plus de resources pour parer à "la bestialisation de l'autre" (Eboussi Boulaga, "L'homosexualité" 7). La boussole éthique héritée des traditions est désormais caduque. La destructuration du lien social est symptomatique de cette absurdité banalisée. La violence annoncée par l'œuvre de Beyala prend des contours suicidaires. Les forces de la mort semblent avoir remporté la bataille. Les morts-vivants peuplent l'imaginaire camerounais. La mère-sangsue domine le paysage romanesque: "Les sangsues en peuvent aimer leurs enfants. Elles n'en ont que pour consolider leur position sociale. Ici, c'est chacun pour soi. Un enfant peut devenir le pire ennemi de ses parents, sans même le savoir. Il n'y a plus vraiment de communauté, papa avait raison" (Miano, Contours 104). Les mères dénaturées de Miano ou de Beyala suicident leurs enfants sur l'autel de leur désespoir. La prostitution des enfants leur tient lieu de moyen de survie.L'écriture enregistre les parades de survie mises en acte pour affronter un destin qui semble toujours plus implacable. L'amie de Sibora, femme du peuple et experte " in the business of survival" (Makuchi 28) oppose à la blessure existentielle la puissance du rire: "Never have I known a woman transform so much pain into laughter. She taught me a great lesson: Never to let go of those things that nourish our beings, our souls, and make life worth living, despite..." (Makuchi 27). Makuchi nous rappelle, comme pour refroidir tout élan d'optimisme sur la résistance de l'amie Sibora, que l'explosion du rire masque une colère étouffée. Les frustrations ne trouvent aucune résolution. Elles sont superficiellement enterrées (three feet deep, même pas six feet deep). Et c'est peut-être pourquoi Monga (The Anthropology of Anger) met en garde contre les colères sourdes qui exploseront, tôt ou tard, dans une conflagration généralisée. Monga voit dans l''écriture le moyen de s'accommoder des " malédictions du quotidien" et de "conjurer la folie" (Monga 26, 23). Le sacrifice des enfants par les mères dénaturées, la zoophilie pour survivre ou le rire pour supporter l'insupportable sont des parades de survie auxquelles vient s'ajouter l'épidémie des maladies mentales, autre modalité de manifestation de la blessure existentielle.

 

La folie dans la ville cruelle

La déliquescence du tissu existentiel engendre une écriture de la folie. Mongo Beti nous invite à explorer la folie dans l'Histoire du fou. Le fou a tué le jeune frère dont il avait la charge d'assurer la garde. Le fratricide serait à l'orgine de sa descente aux enfers: "Dans cette ville où, bien que les fous y fourmillent, il n'y a pas d'asile de fous, ni d'hôpital acceptant de les accueillir, on voit un jeune homme, trente ans au maximum, nu comme le fut, dit-on, le premier homme au jardin de l'Eden, déambuler le jour dans les rues populeuses du grand port" (Histoire 9). L'épidemie de folie ravage la ville. Le fou de l'Histoire du fou est nu comme la brigade des fous dans la Cicatrice. La folle, dans La Mémoire amputée, incarne une lueur de lucidité dans un univers dénaturé par les passions et croyances absurdes: "Elle est arrivée à la salle du royaume toute nue, ses cheveux copieusement enrobés d'argile rouge. Pendant que tous les "frères" et "sistas" priaient leur père qui est aux cieux, elle est entrée sans aucun bruit et s'est placée au beau milieu du pupitre des conférences, ses mains en croix, elle regardait le ciel" (Liking, Mémoire 121). La démence est au centre de la nouvelle "American Lotery" de Makuchi dont le titre du recueil Your Madness, Not Mine est cet égard parlant:

The day you shall have the time or the chance to walk down Freedom Street, look carefully, just look at the corner of Freedom Street and Survival, you will see a tall, lanky, bearded old man, who sleeps under the shelter of the huge mango tree. That old man who talks to himself, staring into space, staring at the leaves, at the moon, talking with the stars, singing in the rain ; that old man who shivers from the cold some nights, whose manhood lies bare for all the children to ogle, giggle at, and mock; for all the children who run by, some shouting, some screaming, some laughing; that old man they call Pa, or Popaul, or Papa Popaul; that old man is my little brother, Paul. I made him into an alien. (Makuchi 96, je souligne)

Chez Nathalie Etoke, la folie se manifeste aussi par la nudité: "Personne ne s'interroge sur la femme nue qui déambule. La nudité du fou et de la folle fait partie du quotidien. On la voit sans la voir" (Etoké 189). La banalisation de la folie la rend invisible: "les gens avaient l'habitude de voir les démentes déambuler nues dans les rues. Elles étaient rarement aussi jeunes que moi, mais en ces temps déraisonnables, tout pouvait arriver" (Contours 25). La "mutilation anthropologique", c'est aussi cette banalisation de l'insupportable. Elle signale une démission individuelle et collective devant l'impasse. Il ne reste plus que la quête des mirages. "La misère fait venir la folie" (Contours 73). La loterie est elle-même une folie, c'est-à-dire décalage pathologique avec la réalité. Paul, consumé par l'illusion de la loterie américaine, supporte mal l'échec de ses plans chimériques. La demande ne quitte jamais la poste camerounaise. L'évanouissement de ses chimères mène tout droit à la folie. La folie est symptoma-tique de ce refus de confronter le vécu décevant par des moyens qui rélèvent du rationnel. La mutilation anthropologique saisit cette hallucination que le désespoir des peuples en dérive invente face au concret d'une misère pourtant bien réelle.

La ville est cruelle pour les fous. Elle ne leur réserve ni asile, ni structure hospitalière spécialisée. La transgression incestueuse n'actionne plus le dispositif rituel de re-socialisation. Les prostituées qui couchent avec des chiens pour des espèces sonnantes et trébuchantes sont marquées de manière indébile par cette animalisation. Le poète clame son inquiétude devant "l'ardeur bestiale / Des vieilles demoiselles désouvrées / Qui rendent lubrique / Le boulevard le plus ridicule du monde" (Tcheho 22). La dépravation sexuelle débouche, comme le remarquent Liking et Tcheho, sur une bestialisation de l'humain. Les mercenaires de la zoophilie n'ont mis en place aucun dispostif de re-humanisation. La société est dépourvue de toute structure de traitement des fous. Miano met en scène la folie d'Ewendji, rendue folle par sa croyance désespérée en l'amour d'un homme au point de sacrifier et d'abandonner sa fille à l'autel de cette illusion. Ewendji, à l'instar des orphelins ou les prostituées déshumanisées par la zoophilie, est abandonnée à son funeste destin par des médecins très peu soucieux du serment d'Hypocrate:

Le lendemain matin, on t'a conduite à l'hôpital afin de te faire interner chez les fous. Tu avais été hystérique toute la nuit, criant qu'on verrait ce qu'on verrait, qu'on ne savait pas à qui on avait affaire, alors qu'on t'avait trouvée sur le trottoir d'un quartier populaire. Les psychiatres n'ont pas voulu de toi. En effet, on ne te connaissait aucune famille pour payer tes soins. (Contours 73-t)

La ville cruelle est indifférente à la misère des malades mentaux. Plaies-Travers-Patrie, titre du premier recueil d'Isaac Célestin Tcheho, est un écho parodié de la devise du Cameroun, "Paix-Travail-Patrie ". La lyre du poète imagine le Cameroun comme un "immense pays-hôpital" (Tcheho 22). L'alarme angoissée du poète dit la gravité de la blessure existentielle: "L'espace de la fêlure est sans bornes [...] Mon pays est un patient au pavillon des grandes urgences" (Tcheho 7). Le corps social malade s'invite dans un pavillon des urgences dépourvu de médecins. Les malades rencontrent plutôt mépris et persécution: "Parfois, un sourire illumine les visages des badauds, et même il arrive que l'un d'eux se détache, bouscule l'homme nu tout en le frappant violemment, jusqu'à ce qu'il s'étende de tout son long, et lui administre plusieurs coups de pied. C'est tout juste si les autres badauds n'applaudissent pas" (Histoire 10-1). Makuchi évoque aussi cette violence quand elle parle du "old man who shivers from the cold some nights, whose manhood lies bare for all the children to ogle, giggle at, and mock". Le voyeurisme morbide des spectateurs signale l'état de dégénerescence dans "cette ville immense, mais paralysée, où personne ne travaille plus, où les écoles sont désertes comme des nécropoles" (Histoire 10). Ayané, dans l'Intérieur de la nuit, est la fille d'une famille bannie. Elle assiste à une scène d'anthrophophagie. Au cours de cette nuit, des miliciens sans foi ni loi forcent les populations à tuer, préparer et manger un enfant de la communauté. Ayané, sur le chemin qui la mène en France où elle réside, fait escale dans la grande ville. Elle est fascinée par Epupa la folle, une ancienne camarade de faculté: "Ce sont les livres qui l'ont rendue folle. Quand on vous dit que les femmes ne doivent pas faire carburer leur cervelle" (Intérieur 196). La description de la folle prend une coloration érotique. Le récit, suivant en cela le regard d'Ayané, nous apprend qu'Epupa ne portait rien en dessous de sa robe:

Epupa se tenait jambes jointes et bras écartés. La brise du crépuscule soulevait la robe sous laquelle elle ne portait pas de sous-vêtements. On voyait aussi sous ses cuisses les boucles de ses poils pubiens. On voyait aussi un ventre légèrement renflé, comme celui d'une femme enceinte de trois mois environ. Cela n'aurait pas été la première fois, qu'une femme égarée était engrossée par un homme qui ne la trouvait pas si folle que cela, au moment de la posséder. (Intérieur 208, je souligne)

Le lecteur suspecte qu'Ayana, qui entonne le cri de la folie, se fait folle pour accéder à l'intimité sexuelle de la folle. Ce qui n'est point de l'ordre de la spéculation, c'est que la folle du roman de Doho est violée par le psychiatre de l'hôpital où elle est internée. Le viol déclenche la fureur de l'infirmière qui, jalouse, viole à son tour la folle. Les violences du médecin et de son infirmière reproduisent les persécutions infligées au corps sans défense des malades mentaux dans l'enfer de la ville postcoloniale. La société demeure indifférente au sort des fous. Les passants assistant, avec une approbation passive, aux violences qui visent le fou dans l'Histoire du fou. Les parents démissionnent de leur responsabilité d'encadrer leurs enfants, se transformant en voyeurs sadiques du macabre spectacle de la violence. Il s'agit d'une auto-destruction autant individuelle que collective parce que "le fou a une histoire, d'autant plus déplorable que ce n'est pas vraiment son histoire, [...] mais l'histoire de son père, et, à vrai dire l'histoire d'un peuple qui rêva beaucoup, mais souffrit plus encore" (Histoire 11). Nous pouvons faire un lien entre ces violences et la grossesse d'Epupa. La dénaturation des relations sexuelles prend la forme de la pédophilie incestueuse ou du viol des folles. Epupa donnera certainement naissance à un enfant. La descendance de la folie est assurée. La folie constitue l'une des formes ultimes de la désintégration du lien social. Qu'elle devienne l'un des lieux de jonction des écritures camerounaises nous alerte sur la gravité de la mutilation anthropologique qui travaille en profondeur la société.

 

La refondation de l'imaginaire

La refondation de l'imaginaire représente l'un des lieux communs du récit national. Le récit camerounais éprouve la nécessité d'entreprendre une remontée aux origines de la naissance des vocations artistiques. Le geste de refondation de l'écriture qui fait penser aux années 1940 ou 1950 quand la littérature africaine alors naissante cherchait à inventer ses raisons d'exister. La remontée aux sources des vocations semble aller de pair avec l'exposition des bibliothèques qui ont nourri l'imaginaire des écrivains camerounais. Face à la blessure existentielle, les écrivains camerounais ressentent un besoin de justifier la raison d'être de l'écriture.

Écrire c'est conjurer la folie. Conjurer la folie est un acte de salubrité publique si l'on sen tient à l'épidémie de maladie mentale évoquée plus haut. La folie symbolise la limite de la blessure existentielle camerounaise, d'où l'urgence de l'écriture. L'écriture en situation d'urgence est la quête d'un nouveau langage pour nommer la mutilation anthropologique. La fille abandonnée de Contours de la nuit qui vient s'adresse à sa mère qui est absente. La relation entre la fille et sa mère est inexistante. Écrire c'est exorciser les douleurs muettes:

Si j'écrivais des livres, je ferais cela avec des mots. Je tracerais des adieux poétiques à la colère qui a si longuement tari mes larmes. Je jetterais sur le papier un suaire syntaxique qui couvrirait une fois pour toutes la peine de n'avoir pas été aimée par ma mère. Mais je n'écris pas, même si j'ai des mots dans la tête. Je ne sais que le silence qui soupire ou hurle entre deux roulements de tam-tam. Je ne sais que l'épaisseur des formes qui ne doivent plus être des déguisements, des masques, mais la face révélée de nos drames intérieurs. (Contours 146)

La souffrance c'est l'impossibilité d'écrire. Les mots demeurent bloqués dans la tête. Musango n'a pas encore accedé à l'écriture. Son affliction pourrait aussi se lire comme une crise de la représentation. Son infortune résiste à l'écriture. Elle n'est pourtant pas de l'ordre de l'indicible. La voix vient au secours de la fille qui ne peut écrire: "Des voix refuseront de se taire. Elle viendront révéler au grand jour les secrets de famille, levant ainsi la sentence de mort que nous avons prononcée contre nous-mêmes" (Contours 196). L'écriture aiderait dans la quête de la vérité intérieure. Faire taire les silences représente la première étape dans le processus de recouvrement de la vie authentique L'écriture brise les tabous qui condamnent aux souffrances muettes. La "heightened awareness of women's aspirations for self-realization" que Bjornson détectait au moment de l'émergence des écrivaines camerounaises sur la scène littéraire s'abîme dans un "pervasive despair that expresses itself in the ugliness" (Bjornson 417) des pères incestueux, des enfants abadonnées ou encore des mères-vampires. L'écriture féminine a le mérite, comme le remarque Béatrice Gal-limore à propos de Beyala, de nommer le corps, mais aussi la condition surréaliste de la femme dans toute son amplitude (Gallimore 60). À la suite de Beyala, Miano et Liking se donnent pour mission de "tuer le vide du silence". L'œuvre de Miano participe de cette communauté de souffrances muettes. Miano se démarque pourtant par la conversation intertextuelle qui fait de son roman le lieu d'émergence d'une tradition littéraire camerounaise. Le jazz et l'épopée des maquisards constituent les contrepoints d'une écriture qui innove à partir d'un ancrage dans les antécédents littéraires.

Mongo Beti appartient à la promotion d'enfants scolarisés par des maîtres- Monsieur Salvain dans Une Vie de boy par exemple-venus de France. Musango affirme ne pas faire partie de "cette première promotion d'enfants scolarisés en maternelle et instruits l'époque par des maîtresses venues de France" (Contours 159). Elle nous informe que c'est son père qui l'a initiée au jazz. La disparition de la collection de Jazz prive Zamakoué, exilé de retour d'Europe et proche de la retraite, de sa drogue. Les disques volés pourraient constituer, dans le scénario générationnel mis en scène par Miano, la "collection des disques de jazz de papa" (Contours 17). La génération de Mongo Beti reçoit l'héritage ancestral au coin du feu comme nous pouvons le lire dans Ville cruelle. Musango découvre les histoires du temps ancien au hasard d'une rencontre avec sa grand-mère maternelle qui " chante un vieux conte, une de ces histoires qui se passent dans la brousse et dans laquelle les animaux parlent" (Contours 246). La grand-mère meurt dans le récit. On peut supputer qu'après son enterrement, la parole dite au coin du feu se fera de plus en plus rare. Le jazz est une des dividendes de la connaissance acquise à l'école.

Medza compare la mélodie de la "fille-des-revenants", oiseau du malheur, au solo de trombone de Lawrence Brown dans "I'm in another world par l'orchestre de Johnnie Hodges" (Mission 77). On note ici que Mongo Beti, ou plutôt Medza, compare le Jazz à la mélodie traditionnelle, signe d'une culture agressée, mais toujours dynamqique. Musango comparera les chansons de l'église, déjà fortement créolisées et même influencées par les ryhtmes de la diaspora tels que la soul ou la gospel, au jazz:

Son phrasé est aussi impeccable que celui des plus grands chanteurs de jazz, qui savent combien le silence est essentiel à la musique, à l'attention de l'auditeur, à la captation de son émotion. Il ne faut pas remplir l'air de notes, mais savoir les distiller. Cette performance n'est possible qu'après de longues années de pratique. Ils ont chacun son genre. Mama Bosangui, qui n'a pas dans son répertoire la délicatesse des vocalistes du jazz, mais qui possède tout à fait la démesure de la soul, est une sorte d'Aretha Franklin vieillie et doublement épaissie. Son époux est un Nat King Cole qui aurait intégré dans son récital les feintes d'Andy Bey. (Contours 193)

Aretha Franklin et Nat King Cole sont des légendes de la musique noire américaine dont les biographies figurent dans le Dictionnaire de la Négritude. La discothèque, manifestation du registre oral, procède de la bibliothèque, du savoir accumulé à l'école. La bibliothèque et la discothèque de papa sont inséparables: "Il me lisait les livres qu'il aimait et me faisait écouter du jazz vocal, sa musique préférée" (Contours 37). Après la mort du père, Ewendji, la mère dénaturée, abandonne Musango. Dans son errance à travers la ville, la leçon de jazz tient lieu de référence stabilisatrice:

Je pense à papa, en regardant ce spectacle parfaitement mis en scène. C'est lui qui m'a enseigné les codes de l'interprétation du jazz vocal. Il me prenait sur les genoux pendant qu'il écoutait les grands chanteurs, et m'expliquait en s'adressant à lui-même plus qu'à moi, la valeur expressive du vibrato et des harmonies suggérées par les silences. Il me disait qu'une improvisation devait être construite, avoir un début, un point d'orgue et une fin. Il précisait que la croche en était la dominante, et qu'on devait toujours pouvoir en reconnaître le thème. Je pense à lui qui m'a transmis ces choses par inadvertance, me tenant contre lui dans sa solitude comme un enfant étreignant une peluche. (Contours 193)

Les maîtres du Jazz embrasent l'imaginaire de Mongo Beti comme nous pouvons le constater dans Mission terminée, Trop de soleil tue l'amour ou encore Le Dictionnaire de la Négritude.2 Les parents ont ramené le jazz de leur séjour dans le Black Paris des années 1950-60, "le temps des bals nègres et des caves de jazz" (Âmes 49). La discothèque et la bibliothèque du papa appartenant constituées par cette génération représentent désormais la mémoire de la tribu postcoloniale. Le jazz est au principe d'une symphonie intertextuelle qui adoucit la blessure existentielle. Les harmonies du jazz n'arrivent pourtant pas à masquer les blessures mal cicatrisées de la fracture postcoloniale. Le retour sur la guerre de libération du Cameroun représente l'une de ces lignes de fracture du corps national.

Modi, dans Ces Âmes chagrines, est l'unique fille du Pasteur Massoma, un dignitaire de la côte. Elle décide d'épouser un étranger qui a pris le nom local de Kingué: "Kingué n'était pas le nom véritable de cet homme. Il s'était arrogé le droit de porter un patronyme de la côte, mais il était en réalité issu du mbusa mundi (la brousse), et du pire endroit qui se puisse concevoir: les Grasslands" (Âmes 88). Le soi-disant Kingué a opté pour la violence révolutionnaire contre le colonisateur. Kingué lui permet de masquer sa vérité identité politique et ethnique. Le pasteur Modi démonte la le stratagème, autorisant quelques spéculations interprétatives. La lutte de libération serait étrangère au groupe qui revendique les droits totémiques sur le patronyme de la côte. L'imposteur des Grasslands veut entrer dans la famille de la côte afin de légitimer l'escroquerie onomastique.

Le pasteur est opposé au combat anticolonialiste. Il s'oppose à l'union de sa fille avec l'imposteur. La fille quitte la maison familiale pour aller vivre dans les maquis. Son père la renie. La violence coloniale viendra par la suite emporter deux de ses fils, laissant le troisième sérieusement handicapé. Le père appelle, avant sa mort, toutes les malédictions sur la tête de sa fille. La séparation est irrémédiable. L'histoire de Modi constitue une des formes les plus radicales de raturage de la mémoire anticolonialiste.

En effet, le maquisard n'a pas de nom. Nous apprenons qu'il a choisi le nom de Kingué pour "bien marquer le fait que, dans le Mboasu qu'ils bâtiraient, ses frères d'armes et lui-même, les distinctions tribales n'auraient pas cours" (Âmes 90). La conscience nationale s'acquiert au prix de la suppression de l'identité de celui qui passe pour Kingué. L'identité supprimée est celle de la tribu conceptualisée comme une menace à la construction nationale. Le nom d'adpotion, malgré son ancrage ethnique, est porteur d'une identité nationale. Certaines identités sont des obstacles à la nation pendant que d'autres seraient fédératrices. Nous savons qu'il s'agit des Grasslands, expression assez vague pour ne permettre aucune identification précise. La tribu en question c'est celle des maquisards, pourchassés commme ennemis de la nation naissante ou célébrés comme héraults de la lutte pour l'indépendance. Le soi-disant Kingué choisit un nom qui n'appartienne pas à cette tribu des bannis et des condamnés à mort. Kingué appartient à la tribu du pouvoir. L'expression anglaise de Grasslands désigne les Hauts Plateaux de l'Ouest. L'identification géographique est d'autant plus vague que cette désignation peut renvoyer à plusieurs aires administratives que culturelles. Les Grasslands, par exemple, désignent autant l'Ouest Cameroun francophone que la région du Nord-Ouest, anglophone. Une telle expression, dans le texte francophone de Miano entretient une confusion qui pourrait toutefois se révéler significante. Les Bamilekés de l'Ouest tout comme les Anglophones du Nord-Ouest sont des étrangers au corps national. À l'instar du maquisard qui emprunte le nom de Kingué pour témoigner de son adhésion à la construction nationale, les populations issues des Grasslands sont perçus comme une menace à cette nation camerounaise. Les stratégies narratives qui vont du refus de les nommer à la malédiction qui frappe cette lignée en passant par l'obstination du pasteur Kingué d'accepter le maquisard dans sa famille amplifient cette exclusion. La cannibalisation rhétorique du maquisard inommé signale celle de cette menace, ou des populations qui la portent. La sécurité du Cameroun est sauve, au prix précisément de cette cannibalisation rhétorique et narrative.

Pour autant, si nous suivons la logique narrative de Miano, nous flottons dans une imprécision à laquelle vient s'ajouter la supercherie. La mort vient compléter le travail commencé par le raturage de l'identité tribale. Le soi-disant Kingué meurt, laissant une fille qui ne recevra comme héritage que la malédiction du grand-père maternel. Le maquisard inconnu qui voulait symboliser la nation disparaît comme un maudit. La fille maudite se retrouve sans domicile fixe en France, avant d'être récupérée par son fils. Sa mort subite conduit éventuellement à la folie de son fils: "Combien en effet avaient perdu la raison dans l'enfer des napalm, des têtes exposées sur les places publiques, des corps toute puanteur? La guerre a toujours ses retombées en loques humaines, en épaves ambulantes." (Doho 82). La folie des descendants des maquisards est télévisée en direct sur les écrans. L'anticolonialisme, consigné dans l'inommé, ne survit plus qu'à travers la lignée maudite.

Il s'agit d'une reproduction de l'attitude du Cameroun envers la mémoire de la lutte anticoloniale.4 Le raturage de cette mémoire voisine toujours avec la criminalisation des ethnies rebelles. La faute incombe, non pas à Miano, mais aux livres: "Ceux qui ne voulaient pas d'un Mboassu indépendant avaient eu le pouvoir. Ils étaient encore là. Pour moi, ce n'étaient que des histoires. C'était dans les livres comme les mots du dictionnaire" (Intérieur 160). Miano est le produit de cette bibliothèque sur mesure. La traduction anglaise de l'Intérieur de la nuit va relancer cette polémique mémorielle. La préfacière de la traduction, Teresa Svoboda, situe l'inspiration du texte dans une histoire rapportée par les agences de presse occidentale sur un massacre attribué aux combattants de l'Union des Populations du Cameroun:

Lénora Miano was born in 1973 in Douala, the biggest port in West Africa and Cameroon's largest city. Miano was thirteen years old when a band of machete-wielding teenage guerillas marched Rwanda-style down the dirt roads just a hundred miles away, singing songs to the tune of John Brown's Body. Known as the Hashish massacre, most of its eighty casualties were women and children. Drugged teenage killers babbled incoherently to captors being branded on the chest with five cuts that were supposed to make them invulnerable to bullets. Reinventing the incident, Dark Heart of the Night won many awards in France. (Svoboda viii)

Svoboda recopie ainsi mot pour mot une dépêche de l'Associated Press relayée par le magazine Time en date du 7 mars 1960. Les journalistes du Time précisent que ce sont des adolescents d'origine bamileké qui ont perpetré le massacre dans la ville de Dschang, l'un des épicentres de la confrontation entre les forces gouvernementales et les forces nationalistes. Miano a repudié la préface en ces termes: "I discovered the so called "Hashish Massacre" in the foreword. I had never heard of that, even if I knew about the armed conflicts we had in the country during the late fifties, when our people were fighting for their independence." ("Cameroonian Novelist") Les protestations de Miano sur la dénaturation de son texte sont faites de bonne foi. Toutefois, Miano semble méconnaître le pouvoir de l'intertextualité. Miano et la préfacière ont consulté la même biblothèque coloniale. Patrice Nganang, dans Mont Plaisant et La saison des prunes, s'expose au même piège d'une fréquentation trop rapprochée de l'archive coloniale. Dans Mont Plaisant, Nganang a recours aux archives de la colonisation allemande et française pour raconter l'histoire du Sultan des Bamoun, de l'invention de son système d'écriture à son exil à Yaoundé. Le Sultan Njoya, une victime pathétique des colonialismes allemand, anglais et français, entre en conversation avec des figures précoces de la contestation anticoloniale. La conscience coupable de Njoya dont les décisions auraient fait le jeu du colonisateur se reproduit dans la destinée tragique du pasteur évoqué plus haut. La saison des prunes exploite les archives de la colonisation française, et plus particulièrement les mémoires de guerre des anciens soldats français. Le récit commence au coeur du pays bassa, migre vers Yaoundé avant de suivre la marche des tirailleurs sénégalais vers le Nord de l'Afrique. Nganang et Miano ont lu les archives écrites qui font la part belle à la vérité du colonisateur. On ne sort pas indemne de la fréquentation de la bibliothèque coloniale.

La version de l'histoire racontée par Miano témoigne de ce que Mbembe perçoit comme le "conflit entre la parole et l'écrit, entre les représentations officielles et les représentations clandestines" des luttes de libération nationale (Mbembe, "Notes et introduction" 11). Mbembe, dans La naissance du maquis au Sud-Cameroun (1996), offre une magistrale analyse qui complète le travail éditorial qu'il poursuit sur l'œuvre de Ruben Um Nyobe. Le mouvement anticolonialiste n'a pas pu convertir une domination populaire et symbolique en victoire politique. Les populations frappées par le stigmate de la rébellion armée sont intégrées dans la famille nationale, mais sous la catégorie infâmante du suspect perpétuel. Miano, en consignant une fois pour toutes la résistance anticoloniale dans la nuit de l'inommé, réactualise le débat entre les forces de l'oralité assiégée et les forces de l'écriture conquérante. La mémoire de la décolonisation est ainsi amputée. Il me semble significatif que Liking et Doho puisent aux sources de la mémoire orale pour contrer les effets des livres.

 

Le chant, une esthétique de la commémoration

"Comment raconter les silences de l'Afrique?" s'interroge Werewere Liking dans la Mémoire amputée (21). Ecrire la guerre interdite suppose d'emblée de prendre acte du contentieux non résolu de la guerre d'indépendance qui provoqua une disjonction des têtes et des corps. Une telle expression nous renvoie aussi au récit de toute aventure coloniale qui, selon Ngûgĩ wa Thiongo, commence toujours par une disjonction mé-morielle (Ngugĩ 7). L'amputation de la mémoire participait à l'époque des tactiques de survie: "Tu sais que nous avons vécu dans un contexte où nous avons dû choisir l'oubli comme un système de survie, un secret de vie, un art de vivre. Et tu n'ignores pas le gag immense, ce vaudeville qu'est l'histoire de l'Afrique, surtout quand on essaie de se référer aux "écrits" (Liking, Mémoire 20-1). La Mémoire amputée retrace la vie d'une femme qui a atteint un âge vénérable. Le personnage au centre de ce chant cosmique a souffert le viol, l'inceste et d'autres habitudes du malheur. Pourtant, elle a survécu et même prospéré pour raconter son histoire. Cette histoire peut aussi se lire comme la biographie d'une nation entière en ce qu'elle saisit les horreurs de la représsion endurée par les "maquisards" et les populations qui vivaient dans ce qui avait tout l'air de camps de concentration. La quête de la conscience nationale, dans ce récit, devient le lieu à partir duquel une écriture de la blessure postcoloniale devient possible. L'écriture d'une condition fémine certes torturée, mais ouvrant sur l'espoir, permet de résorber la fracture générationnelle.

En date du 5 mai 2014, Gilbert Doho m'envoie une note accompagnant son roman La Cicatrice: "Cilas, En toute conscience arrose donc l'arbre de paix planté pour les têtes sans corps". Ayant utilisé un autre exemplaire du livre emprunté à la bibliothèque, je ne vais découvrir cette note que durant le mois de novembre, plus exactement le 16 novembre 2014. J'étais à ma deuxième lecture du texte et j'avais déjà pris la plupart des notes pour une présentation que je préparais. La note renvoie à une autre, cette fois verbale qui remonte à plus de vingt ans, du temps où nous fûmes encore sur le campus de l'Université de Yaoundé. Pendant les grèves des étudiants, Papa Gilbert me remit une copie manuscrite des chants inventés par les femmes, les hommes et les enfants qui se battaient alors pour l'indépendance du Cameroun. Cette poésie d'un peuple en marche pour son destin a depuis été publiée. Le groupe sud-africain Mahlathini and the Mahotella Queens, dans leur chanson à succès Kazet (2006), théorise une poétique des paroles en liberté: "This is our kind of freedom in Africa. We send our messages in music in our tradition in Africa". À l'époque où parler de la guerre de libération était interdit au Cameroun, la mémoire de la résistance survit grâce au chant: "Chanter est forme de combat. Chanter est forme de liberté. On peut nous briser mais pas notre pensée. On peut tout changer, mais pas nos chants" (Doho 150). Chanter, c'est récuser le défaitisme des têtes disjonctées et paradées en public: "On apprit," écrit Liking dans la Mémoire amputée, "seulement que le grand Maquisard avait été abattu [.] Les chants des femmes affirmaient que leur Mpôdôl n'était pas mort mais attendait la réconciliation de ses frères et sœurs de tous les camps pour revenir rayonnant, continuer à servir et à faire évoluer son pays" (Liking, Mémoire 135). Le chant des femmes transfigure le héros mort en mythologie postcoloniale. Le chant représente une mémorisation dynamique du héros anticolonialiste. Chanter permet de nommer l'innommable, de faire le deuil et d'échapper au tourment de l'histoire subie. Chanter était une célébration des morts sans sépulture. Je fais donc un lien entre le processus de cicatrisation, le chant, et la note qui me commande d'arroser l'arbre de paix. Toute personne qui a une connaissance de l'Ouest Cameroun connaît la puissance symbolique de l'arbre de paix. L'arbre de paix, devant la disjonction des corps et des têtes, serait une invitation à travailler à ce que Ngugi appelle le processus du re-membering. Re-membering a deux sens: se souvenir, mais aussi recollecter les fragments: "Toute cicatrice demande justice. Toute cicatrice est malédiction ou bénédiction. Etre [...] équivaut à faire face à la cicatrice, au passé. Vivre c'est nier ou accepter la cicatrice, les traces du passé en un mot, la mémoire" (Doho 2). Le titre du roman de Liking évoque une mémoire estropiée. La mutilation laisse des plaies non cicatrisées. Ngûgî rappelle la tragique destinée du roi Xhosa Hintsa, capturé et décapité par les troupes coloniales britanniques. Les Anglais ont emmené sa tête au British Museum, tout comme ils l'avaient fait pour la tête du roi Maori de la Nouvelle Zélande. Et NgUgî de poursuivre: "Of course, colonialists did not literally cut off the heads of the colonized or physically bury them alive. Rather, they dismembered the colonized from memory, turning their heads upside down and burying all the memories they carried" [Les colonialistes n'ont pas littéralement coupé les têtes des colonisés ou les ont physiquement enterrés vivants. Ils ont plût démembré le colonisé de la mémoire, tournant leurs têtes à l'envers et enterrant la mémoire collective] (Ngŭgĩ 7). Une telle pratique du pouvoir a pour effet se conçoit comme une performance du pouvoir destinée à produire la docilité (Ngŭgĩ 4). La cicatrice est la conséquence d'une blessure. Il s'agit d'un acte de violence qui laisse des traces durables sur le corps écorché. Cacher la cicatrice c'est le signe d'une blessure mal cicatrisée. Le chant, dans son déploiement formel, est une esthétique de l'apaisement qui rend la cicatrisation possible. L'arbre de l'arbre de paix serait ainsi une des conditions devant faire advenir une communauté nationale reconciliée avec sa mémoire.

 

Notes

1 "Nous ne pouvons pas, par exemple dans notre littérature ne pas être conscient du problème linguis tique: si un écrivain martiniquais créole de la Caraïbe tente de décrire son Lieu sans avoir un problème avec les langues, il serait en dehors de la blessure linguistique. Nous ne pouvons pas, par exemple, envisager une littérature qui ne soit pas consciente qu'il y a, avant, toute la richesse narrative littéraire de l'oralité. Nous ne pouvons ne pas donner la main au conteur créole. Nous ne pouvons ne pas garder la rupture" (Chamoiseau 127).

2 Le Jazz, qui domine alors le Black Paris des années 1940-60, a marqué de manière durable les étudiants africains et antillais qui y faisaient leurs études. On peut voir cette influence par exemple dans l'autobiographie de Christiane Taubira (Mes Météores, combats politiques au long cours) dans Jazz ou vin de palme de l'écrivain congolais Emmanuel Dongala ou encore L'Isolé soleil du guadéloupéen Daniel Maximin.

3 L'ambivalence de la mémoire anticoloniale dans l'imaginaire officiel de la République du Cameroun contraste avec le fait que les luttes menées par les Camerounais pour l'indépendance sont en train de devenir une sorte de référence dans le paradigme des résistances à l'occupant colonial. Nelson Mandela, dans Long Walk to Freedom, évoque le Cameroun comme un des exemples qui l'a inspiré dans la création de la branche armée de l'African National Congress: "I was eager to know more about the armed struggle of the people of Ethiopia against Mussolini, and the guerrilla armies of Kenya, Algeria, and the Cameroons" (274). Christiane Taubira, dans son autobiographie citée plus haut, fait référence aux mésaventures de l'Union des Populations du Cameroun comme exemplification de l'ambivalence de la décolonisation gaullienne: " Qui a fait empoisonner le Camerounais Félix Moumié ? Qui a fait tuer Paul Momo et Martin Singap ? Ils luttaient pour la liberté et leurs prêtres étaient à leurs côtés, du moins Mgr Ndongmo. Je ne sais pas si de Gaulle est au courant de tout, mais Foccart est à la manœuvre et de Gaulle profite de tout " (119). Laurent Gbagbo, du fond du bagne de la Cour Criminelle Internationale de la Haye, cite aussi le Cameroun comme un exemple des résistances au foccartisme.

 

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